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LE MUSÉON.

Mais si vous en jugez autrement et répondez : « Oui, à notre avis, car si le Suttavibhaṅga était postérieur à la discussion sur le sel on y aurait fait mention du sel ; — cette controverse, origine d’un schisme capital, et “aussi importante pour l’histoire du Bouddhisme que la controverse de l’Arianisme le fut pour l’histoire chrétienne[1]”, valait bien la peine d’être mentionnée » ; alors, non seulement Minayeff reconnaîtra qu’il n’y a pas dans le Vinaya d’interdiction spéciale pour toutes les nouveautés de Vaiçālī, mais il adoptera la seconde branche du dilemme. Les nouveautés de Vaiçālī ne sont pas condamnées dans le Vinaya actuel, en ce sens que, s’il s’y trouve des règles qui les atteignent, il s’y trouve aussi des dispositions qui

    Le Mahāparinibbānasutta et le Culla XI signalent la procédure du brahmadaṇḍa, que le Vinaya ignore : dira-t-on que le Vinaya est antérieur au Mahāparinibbāna ?

    D’ailleurs, il est toujours facile d’opposer raisonnement à raisonnement. La Communauté croit savoir (le Culla XII en est la preuve) que les Vajjiputtakas ont imaginé de faire provision de sel et ont soutenu l’opinion du « sel dans la corne ». Toute la Communauté, occidentaux, orientaux, méridionaux, a été secouée par cette controverse. Et M. Oldenberg argumente : si le Vinaya, dans son état actuel et dans son ensemble (fors le Parivāra), n’était pas antérieur aux événements de Vaiçālī d’un nombre suffisant d’années pour assurer son caractère sacré, il se serait trouvé certainement des faussaires pour y introduire quelque allusion au sel dans la corne. — Mais, dirons-nous, le Vinaya, aux yeux de tous, est proto-canonique et « pré-vésālien » ; toute allusion au sel dans la corne eut constitué un anachronisme flagrant, et il faut bien prêter aux rédacteurs du Vinaya un minimum d’esprit critique.

    Mais cette discussion ad hominem ne paraît pas propre à trancher la question, loin de là.

  1. Nous reviendrons sur cette appréciation de Vin. T. I, p. xxi.