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AVANT-PROPOS


Véhicule, en se défendant même contre le reproche : de déprécier les « Bouddhas pour eux-mêmes » et les Arhats[1], les docteurs du Grand Véhicule sont portés à croire que les Bouddhas seuls sont parvenus à la délivrance, ou du moins que la carrière de futur Bonddha. (Bodhisattvacarya) est, pratiquement, le seul chemin de la délivrance. Il était inévitable que les fidèles prissent pour modèle leur seigneur humanisé et divinisé, compatissant et tout-puissant.

Le vœu de devenir Bouddha pour le salut du monde, ou « pensée de Bodhi », tel est le « Grand Véhicule » où toutes les créatures sont appelées à prendre place. Le fidèle bouddhiste, dès qu’il a formulé ce vœu, devient un « bodhisattva » ou « candidat à l’illumination suprême ». Il doit, d’un effort persévérant, et dans le seul intérêt des créatures, accumuler les mérites et la connaissance qui mûriront un jour en « Bodhi ». Au sage égoïste, praticien des extases, de l’ancien Bouddhisme, se substitue un saint compatissant, avide de souffrances, de charités et de science.

Ce saint, ou plus exactement ce futur saint, a non seulement des maîtres et des modèles, il a encore des protecteurs, des dieux à son service. Tandis que le Bouddha des vieux livres était, depuis le nirvana, un « dieu mort », les Bouddhas du Grand Véhicule tendent à devenir aussi actifs, aussi compatissants que les a futurs Bouddhas ». Et si le ‘< futur Bouddha », au début de sa carrière, n’est qu’un être médiocre, dans lequel est née comme par miracle la bonne pensée de sauver les créatures en devenant Bouddha, il est trop évident qu’il s’acheminera par des étapes successives vers la haute sainteté dont il a conçu le désir, et que sa dignité ontologique croîtra parallèlement. Tandis que, misérable pécheur, chargé du lien de l’ignorance, du lien des fautes anciennes et des fautes futures, je forme la « bonne pensée » par la grâce des Bouddhas, par un soudain éclair de clairvoyance dans la nuit obscure de mon péché, tandis que je suis encore incapable de mettre en pratique le vœu (praṇidhi) que les Bouddhas ont suscité dans ma pensée, il y a autour de moi, témoins de tous les instants, des êtres sublimes, des saints qui pourraient entrer

  1. Voir ci-dessous, p. 18, note 1.