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pathie. En montrer est le plus sûr moyen d’en trouver. Ces éclaireurs de la civilisation, hardis et intelligents toujours, sont parfois des héros, et même des hommes bons et honnêtes. Dans leur nombre abondèrent des religieux ardents à porter la « bonne nouvelle » aux pays lointains : François-Xavier, Egédé, Barth, Taplin, Salvado, Casalis, Petitot, Livingstone, dix autres, cent autres, protestants ou catholiques ; leurs noms sont salués avec respect par tous, et en premier par les libres-penseurs. Les pères de Norcia racontent ainsi leur première entrevue avec les indigènes de la rivière aux Cygnes :

« Nous chantions et récitions nos prières, attendant avec anxiété le moment d’être massacrés et rôtis. Mais nous ne fûmes pas trouvés dignes d’une telle grâce. La lumière du jour nous tira de cette trépidation. Nous célébrâmes le divin sacrifice et nous récitâmes le bréviaire.

À midi, nous vîmes approcher une troupe de sauvages ayant dans la main chacun six lances et même plus. Nous les regardâmes d’un visage joyeux, mais Dieu sait qu’elle était l’agitation de nos cœurs ! Nous étant agenouillés et ayant prié le Très-Haut, nous nous avançâmes les mains chargées de pain, de thé, de sucre. À notre approche, les hommes agitèrent leurs armes, les femmes et les enfants hurlèrent et prirent la fuite. Tout en mangeant pain et sucre, nous leur faisions signe de déposer les sagaies et les invitions à nos mets. Quelques-uns d’incliner leurs armes et nous d’approcher avec le sucre et le pain, ayant soin d’en offrir aux enfants qui, se serrant contre les jambes de leurs pères, pleuraient et paraissaient avoir grand peur. Au premier essai du sucre, les sauvages le rejetèrent d’un air soupçonneux, mais nous voyant en manger sans façon, ils le mirent à la bouche ; et le trouvant de leur goût, témoignèrent leur approbation par des signes de tête et invitèrent les autres. Bientôt nos présents furent consommés et l’on s’en disputait les fragments. Par la grâce de Dieu et de sa sainte Mère, après une rencontre aussi périlleuse, la victoire était à nous. Lorsque nous nous retirâmes dans notre cabane, quelques sauvages nous accompagnèrent. Nous leur montrâmes nos instruments d’agriculture qui leur causèrent grand étonnement. Ce soir-là nous rendîmes de particulières actions de grâce à la miséricorde divine et aux Saints nos protecteurs. Ensuite nous nous endormîmes paisiblement. Le lendemain matin, des sauvages s’approchèrent, curieux de nous voir travailler. Saisissant l’occasion, nous les invitâmes à nous aider dans la construction d’une cabane. Ils s’y prêtèrent volontiers, et en vérité, nous aurions perdu beaucoup de temps s’ils ne nous eussent indiqué les meilleurs matériaux et où les trouver. Avec leur aide, la cabane se trouva parfaitement couverte le surlendemain. Ainsi prémunis contre les intempéries, nous commençâmes nos