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leur lutte pour l’existence contre les gros capitalistes, et de leur prompte adaptation au milieu, dans des conditions toutes nouvelles pour les milliers de paysans disséminés sur un aussi vaste espace, depuis la Suisse jusqu’en Saxe.

Huit cent un mille six cents Hongrois, c’est-à-dire 6 p. c., s’occupent d’industries domestiques et parmi ceux-ci 680,000 traitent uniquement les matières textiles. La Suisse, l’Italie, les États-Unis ont aussi beaucoup développé les petites industries et on peut dire en toute vérité de certaines provinces belges, que si l’agriculture y est encore prospère, c’est parce que les paysans y font aussi de l’industrie. Mais c’est surtout dans le grand empire russe que l’on peut apprécier toute l’importance de cette association du travail des champs et des métiers manuels, et tristement prévoir les calamités qui fondraient sur ce malheureux pays, si cet état de choses venait à disparaître.

On a sérieusement étudié en Russie l’origine et le développement des industries rurales et toutes les difficultés qu’elles ont à surmonter. Une de ces enquêtes s’est poursuivie, maison par maison, dans près d’un million de demeures de paysans dont on pourrait, dans les quinze volumes publiés à cette occasion et surtout dans les comptes rendus des bureaux de statistique, voir défiler les innombrables listes, avec le nom de chacun, l’étendue et la valeur de sa terre, son bétail, ses travaux agricoles et industriels, ses revenus et son budget annuel.

Ces enquêtes qui comprennent, en outre, la description de centaines de métiers, en des monographies distinctes au point de vue technique, économique et même sanitaire, révèlent des faits que l’on peut qualifier d’imposants.

Nous y apprenons que sur les 80 millions d’habitants de la Russie européenne, 7,500,000 exercent des métiers domestiques dont la production annuelle s’élève bien à 5 milliards de francs[1], équivalant ainsi la production totale de la grande industrie. Quant à leur importance relative pour la classe ouvrière, disons seulement que dans le gouvernement de Moscou lui-même, qui est la principale région manufacturière de l’empire, produisant le cinquième de la fabrication totale de la Russie d’Europe, les salaires réalisés dans la petite industrie s’élèvent à une somme triple de ceux qui échoient aux ouvriers de fabrique. Et chose singulière, le récent

  1. L’enquête domiciliaire faite auprès de 855,000 ouvriers démontre que la valeur de la production industrielle peut s’estimer à 530 millions (125 francs par tête) ; une moyenne de 500 francs pour chacun des 7,500,000 ouvriers qui professent des métiers manuels donnerait un total de 4 milliards, mais les enquêteurs les plus autorisés estiment que ces chiffres sont au-dessous de la réalité.