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sins jusqu’en Haute-Savoie et a passé en Suisse. L’industrie des soies n’est plus une spécialité de Lyon, mais c’est toujours là qu’on va chercher les meilleurs ouvriers, capables d’exécuter promptement de nouvelles étoffes, quelque délicats et compliqués qu’en soient la matière et les dessins.

Au contraire de la petite industrie, les grandes usines qu’on a construites dans les villages ruinent le paysan, il n’est que trop facile de le constater. Surchargés d’impôts, ils espèrent arriver à joindre les deux bouts en envoyant leurs fils et leurs filles à la fabrique, mais leurs habitations étant quelquefois très éloignées et les journées commençant tôt et finissant tard, ces enfants sont obligés de s’entasser dans d’affreux bouges tout près de leur travail et ne retournent chez eux que le samedi soir. Le lundi matin, dès l’aube, une charrette les ramasse dans les villages et les ramène à l’usine. Les voilà forcément enlevés à l’agriculture, et quand ils quittent définitivement leurs parents, ils ne gagnent pas assez pour subvenir à leurs propres besoins. Ces fabriques, dont la prospérité reposait uniquement sur la modicité des salaires, ne tardent pas à péricliter et émigrent vers les villes, après avoir complètement démoralisé et même ruiné des villages auxquels ils auraient pu rendre de réels services dans d’autres conditions.

J’aurais à parler ici de la fabrication des dentelles qui nourrit 70,000 femmes en Normandie et près de 200,000 dans toute la France, de la coutellerie récemment introduite dans la Haute-Marne, qui a déjà atteint un degré très élevé de perfection et occupe une trentaines de villages dans les environs de Nogent, des divers genres de tricot auxquels se livrent, près de Troyes, environ 20,000 personnes, à l’aide de petites machines, de l’horlogerie, de la bijouterie et des sculptures au tour qui se font dans le Jura, des soies et des rubans avec inscriptions formant tissu, de la quincaillerie et des armes de la région stéphanoise[1], mais j’ai hâte d’en venir aux petites industries parisiennes.

La capitale de la France est le siège d’innombrables petits métiers et industries, tout en ayant beaucoup d’usines. Les petits ateliers y sont en telle majorité que les 65,000 établissements industriels que l’on y compte n’ont en moyenne que huit ouvriers, et qu’en réalité les cinq sixièmes de

  1. Sur les 15 à 18,000 métiers à tisser les rubans, à Saint-Étienne et dans les environs, 12 à 14,000 appartiennent en propre aux ouvriers. Le commerce fut longtemps prospère et la plupart des travailleurs avaient chacun sa maison dans les faubourgs, mais la situation a malheureusement beaucoup changé. La manufacture d’armes occupe 5 à 6,000 ouvriers et les ateliers de quincaillerie sont nombreux autour de Saint-Étienne, Le Chambon, Firminy, Rive de Giers, etc. Parmi d’autres petits métiers dont quelques-uns ont de l’importance, on peut citer l’élevage du ver à soie dans l’Ardèche, les fils métalliques du Doubs, le drap et les gants de l’Isère, les échalas, balais et brosses de l’Oise (annuellement 20,000,000 de francs), les boutons et chaussures de la Drôme, etc.