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éléments me paraissent excellents et fort nombreux, paraît rester sans direction aucune et ballottée entre les vaniteux et les intrigants. Ce M. Beghelli lui fait un grand mal, et il paraît qu’il ne se trouve personne à Turin pour mettre ordre à cette dégoûtante anarchie. Il y a longtemps que je n’ai aucune nouvelle de Turin ; Terzaghi m’ayant paru trop indiscret, trop bavard pour des rapports intimes, et en dehors de lui je n’y connais personne. Si vous avez des rapports avec des hommes sérieux à Turin, tâchez d’agir par eux. Longtemps j’avais compté sur Anatole qui m’avait inspiré beaucoup, beaucoup de sympathie et de confiance. Malheureusement Anatole paraît être trop l’ami de M. Beghelli, pour être resté le mien. Il n’a pas répondu à mes dernières lettres et nous en sommes restés là.

2o Je regrette aussi vivement que le général mette sur la même ligne la Campana de Naples avec le Proletario de Turin. La Campana est un journal beaucoup plus sérieux. Vous y avez lu sans doute les lettres si remarquables de notre ami le docteur et le député socialiste Saverio Friscia. Je n’ai pas besoin de vous le recommander. Son nom doit vous être connu comme celui d’un homme, d’un ancien patriote très intelligent, très sérieux et très pur, C’est un esprit remarquable et un caractère, toute une existence universellement estimée, — il a une très grande influence en Sicile. Pensez-vous que lui, qui connaît si bien Naples et les hommes et les choses à Naples, qu’il aurait écrit dans la Campana s’il ne la considérait pas comme une gazette sérieuse ? Et, en effet, j’y ai trouvé des articles très remarquables, écrits avec autant de talent que d’esprit. Il est évident que les jeunes gens qui la dirigent sont ardemment et sincèrement convaincus. Ils y mettent sans doute beaucoup de passion… Mais, Santo Diavolo ! comme on dit à Naples, depuis quand le zèle passionné et ardent est-il devenu un défaut chez les jeunes gens ? Ils professent quelques idées qui vous déplaisent ; eh bien ! combattez-les, opposez-leur d’autres idées, mais laissez-leur de grâce cette sainte liberté de la pensée, qui ne doit pas être un monopole entre les mains de notre ami M. Stefanoni qui, par parenthèse, en use amplement pour calomnier l’Internationale d’un point de vue bourgeois.

3o Enfin, j’arrive à la troisième question, celle qui me concerne personnellement. Les attaques de la secte hébraïco-germanique ne sont pas une nouveauté pour moi. Depuis 1848, dans les journaux allemands, ils m’ont attaqué publiquement et de la manière la plus ignoble, prétendant qu’Herzen et moi nous étions à la solde d’un comité panslaviste et tzarien. Herzen et moi nous avons combattu toute notre vie la politique du tzar. Quant à moi, je me suis posé dès le commencement de ma carrière le devoir de combattre spécialement le panslavisme — et nul ne le sait mieux que ces juifs allemands. — Mais chez eux, c’est un parti pris de calomnie.