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caux, se voient forcés de compter avec elle. Mais dans tous les pays du continent de l’Europe, l’existence publique, avouée de l’Internationale est terriblement menacée. Et nulle part elle n’est encore arrivée à cette concentration de forces qui la rende menaçante à son tour, — je parle d’aujourd’hui, non de demain, car je suis certain que demain est à nous, — nulle part, excepté en Espagne peut-être. Des lettres que je reçois de différents points de ce dernier pays m’annoncent, en effet, que les ouvriers socialistes de l’Espagne, très…[1] et très sérieusement organisés, et non seulement les ouvriers mais les paysans de l’Andalousie, parmi lesquels les idées socialistes ont été très heureusement propagées, se proposent de prendre une part très active à la révolution qui se prépare, donnant cette fois la main aux partis politiques, sans toutefois se confondre avec eux, et avec l’intention bien arrêtée d’imprimer à cette révolution un caractère franchement socialiste. Nous attendons tous avec anxiété l’issue des événements décisifs qui s’annoncent. Tout le Midi de la France s’organise, jusqu’à Paris même, malgré toutes les lois votées par les ruraux de Versailles, et cette organisation se fait sous la direction de nos alliés, non sous celle de Londres, dont la propagande tant prônée en réalité se réduit à zéro. Si la révolution triomphe en Espagne, ce sera naturellement un formidable appoint pour la révolution en Europe. Si elle succombe, la réaction qui nous menace partout sera plus formidable encore. — Mais même dans le cas de triomphe de la révolution en Espagne, le premier effet qui en résultera immanquablement dans les autres pays de l’Europe, en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie et en Suisse, grâce surtout à la réforme centraliste qui menace de tuer les libertés cantonales de ce pays, — sera une recrudescence de la réaction. — Alors même que le gouvernernent de Versailles ne serait pas capable lui-même de réprimer la révolution dans le Midi de la France, n’oublions pas que l’armée de Bismarck occupe encore le nord-est de la France ; et pour moi, il n’est point de doute qu’il existe déjà maintenant une entente entre Bismarck et votre gouvernement italien, et que dans les derniers pourparlers qui ont eu lieu, le cas du triomphe de la révolution en Espagne n’a point été oublié, d’autant moins qu’il intéresse directement votre dynastie régnante.

Enfin, je prévois dans tous les pays de l’Europe et en Italie surtout des persécutions très sérieuses contre les socialistes et contre toutes les organisations de l’Internationale. Ce qui vient de se passer à Milan en est la preuve. Le Martello est un journal qui ne s’est jamais permis aucune excentricité. Au contraire, très décidé dans le fond, il a adopté une forme

  1. Mot illisible.