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ciliables, mais qui par instinct et par habitude d’esprit aussi bien que par nécessité de position, comme il convient d’ailleurs à tout homme d’État, finira toujours par sacrifier les autonomies et libertés locales à la centralisation de l’État, et la prospérité populaire à l’exploitation des capitalistes.

Si, comme je le présume, Bertani devient de fait le chef et le directeur occulte des entreprises du mazziniens, quelle est la position que vous, socialistes révolutionnaires, partisans de l’émancipation sérieuse du prolétariat, prendrez vis-à-vis de lui ?

L’ignorer serait une faute ; s’allier avec lui en serait une autre et, selon moi, encore plus grande. Vous n’êtes pas des théoriciens utopistes, vous voulez former un parti actif et puissant, capable de transformer, dans un terme aussi rapproché que possible, votre belle Italie en un pays de liberté, d’égalité, de justice, de bonheur et d’honneur pour tous. Vous vous organisez en vue de l’action ; par conséquent, il ne vous est pas permis d’ignorer aucun des éléments qui constituent la réalité actuelle. Vous devez bien connaître la force des erreurs que vous aurez à combattre, et aussi celle des éléments qui sans être précisément les vôtres, sont forcés de devenir jusqu’à un certain point et pendant toute la période de transition, en quelque sorte vos alliés, vos amis, ayant les mêmes adversaires à combattre. Les mazziniens, quoique d’une autre manière et pour d’autres raisons que vous, sont des ennemis acharnés de ce gouvernement qui, vous craignant beaucoup plus qu’il ne les craint, commence à vous persécuter dans toute l’Italie et vous persécutera, je le pense, bientôt avec un acharnement encore plus furieux. Jusqu’à un certain point, vous serez donc forcés de marcher parallèlement avec eux, de vous tenir au courant de toutes leurs entreprises, et non seulement de les laisser faire, mais quelquefois même, dans de très rares occasions sans doute, et en observant la plus grande prudence, de les seconder indirectement, en tant qu’en le faisant, vous pouvez espérer d’affaiblir et de démoraliser le gouvernement actuel, votre ennemi désormais le plus acharné, le plus puissant et le plus incommode. Dans toutes les luttes des mazziniens ou des bertaniens, c’est-à-dire des républicains bourgeois contre le gouvernement, vous vous abstiendrez sans doute le plus souvent et autant qu’il sera possible de faire sans vous suicider moralement et matériellement ; mais toutes les fois que vous vous sentirez forcés de sortir de cette passivité apparente, vous n’en sortirez, cela va sans dire, que pour prendre leur parti contre le gouvernement.

Vous serez donc forcés de vous organiser et de marcher parallèlement avec eux, pour pouvoir tirer profit pour la réalisation de vos propres buts, de chacun de leurs mouvements. Mais vous vous garderez bien, n’est-ce