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Fédéralisme et socialisme, tels sont les deux éléments principes de la révolution prochaine. C’est absolument l’opposé du programme mazzinien. N’est-il pas clair alors que toute conciliation entre ces deux partis est impossible sur le terrain mazzinien ? Vous ne pouvez prendre part à leurs entreprises, d’abord parce qu’ils sont fatalement condamnés à échouer toujours ; et ensuite et surtout parce que vos buts et vos moyens sont absolument différents. Vous voulez l’émancipation complète et définitive de la société italienne et son organisation ou réorganisation nouvelle sur la base du travail à la fois libre et collectif, de bas en haut, par la voie de la fédération et des groupements naturels. Et ils rêvent, au contraire, pour cette société, un asservissement nouveau sous le joug d’un grand État unitaire. Vous voulez préparer et organiser un formidable soulèvement populaire qui balayera tout ce qui lui est opposé, brisant tout ce qui osera lui résister et rendant la résistance même impossible. Et incapables d’organiser ou même seulement de rêver un tel soulèvement, les mazziniens continueront à s’épuiser en entreprises ridicules.

Ce que je prévois — et c’est peut-être, au point de vue d’une pratique plus sérieuse, la meilleure chose qui puisse leur arriver — c’est que beaucoup d’entre eux tombent, sans s’en douter eux-mêmes, entre les mains d’Agostino Bertani, le seul parmi les chefs ou initiateurs secondaires des mouvements patriotiques passés qui ne se soit pas complètement épuisé et n’ait point entièrement compromis sa position et son caractère d’ancien révolutionnaire.

Parmi les notabilités mazziniennes, il n’y en a pas une seule qui soit réellement capable de diriger une entreprise. Ce sont des doctrinaires, non des hommes d’action. Quadrio, le plus respectable et le plus sympathique parmi eux, peut inspirer, enthousiasmer les jeunes gens pour lesquels il a un grand amour, mais je ne le crois pas capable de combiner et de diriger une action. Saffi est une sorte de savant manqué, un docteur d’une faculté qui n’existe pas, le Mélanchton d’une religion mort-née. Petroni, dit-on, est une sorte de sot jésuite ; Campanella, un fondateur de secte dans le parti mazzinien, comme Ali le fut dans la religion mahométane. C’est celui d’ailleurs que je connais le moins, mais d’après tout ce que j’ai pu recueillir sur son compte, ce n’est pas lui qui pourra remplacer l’action toujours faible, mais toujours géniale de Mazzini.

Bertani n’est point mazzinien, mais il a su conserver des rapports plus ou moins intimes avec les mazziniens et avec Mazzini lui-même, comme il a su les conserver aussi avec les garibaldiens, sans être un garibaldien lui-même, avec les libres-penseurs et avec la ci-devant gauche démocratique, — arrivée aujourd’hui à l’état de Gorgonzola ou de fromage de Limbourg, —