Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/898

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrage d’une main antique.
11Voici qu’un artisan a coupé un arbre facile à travailler[1] ;
il en ôte adroitement toute l’écorce,
et, le façonnant avec habileté,
il en fabrique un meuble utile pour l’usage de la vie.
12Son travail achevé, il emploie ce qui reste
à faire cuire ses aliments, et satisfait sa faim.
13Quant aux derniers débris, qui ne sont plus d’aucun usage,
au bois tordu et plein de nœuds,
il le prend, le taille pour occuper ses loisirs,
et, par un travail habile, lui donne une figure :
il le fait ressembler à un homme.
14Ou bien il en fait l’image de quelque vil animal,
le peint de vermillon, en recouvre la surface d’une couleur rouge,
et fait disparaître sous un enduit toutes les taches.
15Puis, lui ayant disposé une habitation convenable,
il le place contre la muraille et le fixe avec du fer.
16Il prend bien garde qu’il ne tombe,
sachant que le dieu ne peut s’aider lui-même,
car ce n’est qu’une statue qui a besoin d’appui.

17Cependant il le prie au sujet de ses biens,
de ses mariages et de ses enfants,
et il ne rougit pas de parler à ce qui n’a point d’âme.
Il demande la santé à ce qui est sans force,
18la vie à ce qui est mort,
le secours à ce qui ne peut rendre aucun service,
un heureux voyage à ce qui ne peut se servir de ses pieds.
19Pour assurer ses profits, ses entreprises, le succès de son travail,
il demande l’énergie à ce qui a les mains les plus débiles.



En voici un autre qui pense à prendre la mer,
et se dispose à voyager sur les flots en fureur :
il invoque un bois[2] plus fragile encore que le vaisseau qui le porte ;
2car, ce vaisseau, c’est la passion du lucre qui l’a inventé,
et c’est l’habileté de l’ouvrier qui l’a construit.
3Mais, ô Père, c’est votre providence qui le gouverne,
vous qui avez même ouvert un chemin dans la mer,
et une route sûre au milieu des flots,
4montrant par là que vous pouvez délivrer de tout péril,
afin que, même sans la science de la navigation, on puisse se mettre en mer.
Vous ne voulez pas que les œuvres de votre sagesse restent inutiles ;
c’est pourquoi les hommes, confiant leur vie à un bois fragile,
5traversent les vagues sur un radeau, et échappent à la mort[3].
6Et jadis, alors que les géants orgueilleux périssaient,
l’espérance de l’univers[4] échappa sur une barque,
et, gouvernée par votre main, laissa au monde la semence d’une postérité.
7Car béni est le bois qui sert à un juste usage[5].

8Mais l’idole, œuvre de la main des hommes[6],
est maudite, elle et son auteur :
celui-ci parce qu’il l’a faite,
celle-là parce qu’étant périssable, elle est appelée dieu ;
9car Dieu hait également l’impie et son impiété,
10et l’œuvre et l’ouvrier seront pareillement châtiés.

  1. 11. Facile à travailler. Vulg. droit.
  2. XIV, 1. Un bois, des dieux de bois : les divinités tutélaires des navigateurs, dont les images étaient peintes ou sculptées à l’avant du vaisseau.
  3. 5. Les centres de votre sagesse, les articles du commerce. — Un bois fragile, litt. le plus petit morceau de bois.
  4. 6. L’espérance de l’univers, Noé et sa famille.
  5. 7. Qui sert à un usage juste et légitime, tel que la construction d’un vaisseau, par opposition au bois dont on fait des idoles.
  6. 8. L’idole, œuvre de la main des hommes, litt. ce qui est fait par la main.