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Chap. XVIII, 12.
Chap. XVIII, 36.
ÉVANGILE SELON S. JEAN.

dit à Pierre : “Remets ton épée dans le fourreau. Ne boirai-je donc pas le calice[1] que mon Père m’a donné ?”

12Alors la cohorte, le tribun et les satellites des Juifs se saisirent de Jésus et le lièrent.

2. Chez Anne et Caïphe (13-27).

13Ils l’emmenèrent d’abord chez Anne parce qu’il était beau-père de Caïphe, lequel était grand-prêtre cette année-là. 14Or, Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : “Il est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple.”

15Cependant Simon-Pierre suivait Jésus, avec un autre disciple. Ce disciple, étant connu du grand-prêtre, entra avec Jésus dans la cour du grand-prêtre,[2] 16mais Pierre était resté près de la porte, en dehors. L’autre disciple, qui était connu du grand-prêtre sortit donc, parla à la portière, et fit entrer Pierre.[3] 17Cette servante, qui gardait la porte, dit à Pierre : “N’es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ?” Il dit : “Je n’en suis point.” 18Les serviteurs et les satellites étaient rangés autour d’un brasier, parce qu’il faisait froid, et ils se chauffaient ; Pierre se tenait aussi avec eux, et se chauffait.

19Le grand-prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine. 20Jésus lui répondit : “J’ai parlé ouvertement au monde ; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret. 21Pourquoi m’interroges-tu ? Demande à ceux qui m’ont entendu, ce que je leur ai dit ; eux, ils savent ce que j’ai enseigné.” 22À ces mots, un des satellites qui se trouvait là, donna un soufflet à Jésus, en disant : “Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ?” 23Jésus lui répondit : “Si j’ai mal parlé, fais voir ce que j’ai dit de mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?” 24Anne avait envoyé Jésus lié à Caïphe, le grand-prêtre.

25Or, Simon-Pierre était là, se chauffant. Ils lui dirent : “N’es-tu pas, toi aussi, de ses disciples ?” Il le nia et dit : “Je n’en suis point.” 26Un des serviteurs du grand-prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, lui dit : “Ne t’ai-je pas vu avec lui dans le jardin ?” 27Pierre nia de nouveau et aussitôt le coq chanta.

3. Chez Pilate (28 — xix, 16).

28Ils conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire : c’était le matin. Mais ils n’entrèrent pas eux-mêmes dans le prétoire, pour ne pas se souiller et afin de pouvoir manger la Pâque.[4] 29Pilate sortit donc vers eux, et dit : “Quelle accusation portez-vous contre cet homme ?” 30Ils lui répondirent : “Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne te l’aurions pas livré.” 31Pilate leur dit : “Prenez-le vous-mêmes, et jugez-le selon votre loi.” Les Juifs lui répondirent : “Il ne nous est pas permis de mettre personne à mort” : 32afin que s’accomplît la parole que Jésus avait dite, lorsqu’il avait indiqué de quelle mort il devait mourir.[5]

33Pilate étant donc rentré dans le prétoire, appela Jésus, et lui dit : “Es-tu le roi des Juifs ?” 34Jésus répondit : “Dis-tu cela de toi-même, ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ?” 35Pilate répondit : “Est-ce que je suis Juif ? Ta nation et les chefs des prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu fait ?”

36Jésus répondit : “Mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient
  1. 11. Ce calice, symbole des souffrances de la Passion (comp. Is, li, 16 ; Jérém. xlix, 12 ; li, 7). rappelle celui de l’agonie au jardin des Oliviers (Matth. xxvi, 52 sv.).
  2. 15. Pour bon nombre d’exégètes, ce qui suit se passe chez Caïphe ; c’est de lui qu’il s’agit vers. 15, 16 et 19, et au témoignage des Synoptiques c’est dans la cour de son palais qu’eurent lieu les trois reniements de S. Pierre. S. Jean, qui n’avait pas dit un mot de ce changement du lieu de la scène, le mentionne au vers. 24, sous forme de parenthèse ou de récapitulation. Toutefois, il est assez irrégulier de traduire au v. 24 le verbe ἀπέστειλεν par un plus-que-parfait. Aussi plusieurs exégètes pensent, après S. Cyrille d’Alexandrie, que la remarque du vers. 24 devait se lire après le verset 14. Tout se suit alors naturellement. Cependant la phrase du verset 24, telle qu’elle est construite se comprend mieux après le verset 23, qu’après le 14e. Pour expliquer la difficulté de ce passage, il suffit de supposer la cour intérieure commune entre Anne et Caïphe. Et en attendant la réunion des Sanhédrites chez lui, le grand-prêtre Caïphe serait venu chez son beau-père interroger le prisonnier.
  3. 16. Matth. xxvi, 58 ; xiv, 54 ; Luc, xxii, 55.
  4. 28. Matth. xxvii, 2 ; Marc, xv, 1 ; Luc, xxiii, 1. — Quelques interprètes ont cru que la Pâque ne désignait pas ici l’agneau pascal, mais les victimes qu’on avait coutume d’immoler pendant les 7 jours que durait la fête et plus spécialement celles qu’on immolait le jour le plus solennel, le 15 Nisan (comp. Deut. xvi, 2-3 ; II Par. xxxv, 7-9). C’est à tort ; car ce n’est pas le sens de ces passages. Manger la Pâque, c’est toujours manger l’agneau pascal et jamais ces victimes ni la Hagigah.
  5. 32. Afin que s’accomplît… C’était une disposition d’en haut pour que Jésus fût crucifié, comme il l’avait prédit (Matth. xx, 19 ; Jean, iii, 14 ; viii, 28 ; xii, 32). Les Juifs n’auraient pu que le lapider comme faux prophète (Lévit. xxv, 14), comme coupable d’un crime contre la divinité. Pour qu’il subît le supplice de la croix il fallait qu’il fût livré aux Romains qui punissaient ainsi les malfaiteurs insignes et spécialement la rébellion des gens du peuple contre l’État.