Page:La Saga du scalde Egil Skallagrimsson, trad. Wagner, 1925.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 20 —

Haklang, roi d’Agdir. Kjötvi le Riche prit la fuite avec celles de ses troupes qui étaient encore valides, sauf une partie qui se rendit, la bataille terminée.

En passant en revue l’armée de Harald, on constata que les pertes étaient grandes et que beaucoup de guerriers étaient grièvement blessés. Thorolf portait de graves blessures ; plus graves encore étaient celles de Bard. Aucun des combattants postés sur le devant du bateau n’était indemne, si ce n’est ceux que le fer ne pouvait atteindre, c’est-à-dire les « berserkir ». Le roi fit panser les blessés, remercia ses hommes de leur bravoure, distribua des cadeaux et combla d’éloges ceux qui lui en paraissaient dignes. Il promit de rehausser leurs dignités ; il les éleva au grade de commandants de navire, de maîtres pilotes et à d’autres postes éminents. Cette bataille fut la dernière que le roi Harald livra dans l’intérieur du royaume. Dans la suite il ne rencontra plus aucune résistance et s’empara du pays tout entier. Il fit soigner ceux qui avaient eu la vie sauve. Quant aux morts, il leur fit faire des funérailles, comme c’était l’usage à cette époque[1]. Thorolf et Bard gisaient couverts de blessures. Celles de Thorolf se mirent à guérir, mais pour Bard il n’y avait plus d’espoir. Ce dernier fit mander le roi auprès de lui et lui parla en ces termes : « Si le sort veut que je succombe à mes blessures, je voudrais vous demander de me laisser disposer de ma succession. » Le roi ayant consenti, il reprit : « Je désire que Thorolf, mon parent et ami, entre en possession de toutes mes propriétés, terres et biens meubles ; à lui aussi je veux confier mon épouse et l’éducation de mon fils, car pour ce soin, c’est lui, parmi tous les hommes, qui m’inspire le plus de confiance. » Après avoir, avec le consentement du roi, confirmé ces dispositions, ainsi que le voulaient les lois, Bard mourut. On lui fit des funérailles et il fut vivement regretté.

Thorolf guérit de ses blessures. En été, il suivit le roi et acquit

  1. Il s’agit ici des préparatifs en vue de l’inhumation. Le plus proche parent (ou, en cas de meurtre, celui à qui incombait la vengeance) avait la stricte obligation de fermer les yeux et le nez du mort, d’étendre le corps et de le recouvrir d’un suaire. Il devait laver la tête et les mains du défunt, lui peigner les cheveux, lui tailler les ongles et faire choix des objets qui l’accompagneraient dans la tombe.