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rains, pas plus que les savants de nos jours[1], n’ont rien relevé de probant qui soit de nature à diminuer, sous ce rapport, la valeur intrinsèque de son æuvre. Force nous est donc, non seulement d’absoudre l’artiste, mais d’admirer son habileté à faire jaillir d’une plume intéressée un chef-d’œuvre qui a traversé une période de sept siècles de popularité sans que le moindre soupçon vînt effleurer sa sincérité.

Nous devons convenir donc que la saga d’Egil procède plutôt de l’épopée que de l’histoire ; mais il n’en est pas moins vrai que son importance historique est considérable. L’auteur n’en était certes pas à son premier essai, lorsqu’il mit la main à l’œuvre. On peut naître poète, mais on ne naît pas historien. Or, s’il ravit par la grâce du style et la perfection du langage, il étonne réellement par l’étendue et la variété de ses connaissances, par la sûreté de ses informations et la justesse de ses appréciations. Cette érudition vaste et solide, cet esprit d’observation et de combinaison si délicat et si perspicace, fruits d’un labeur intense, de recherches et d’études prolongées, lui ont permis d’écrire sur la vie politique, sociale et familiale des anciens Scandinaves des chapitres qui, pour le lecteur non averti, sont autant de révélations. Il a constitué ainsi une mine abondante de précieux renseignements sur tout ce qui touche de près cette époque troublée du IXe et du Xe siècle. C’est l’époque d’une transformation profonde provoquée en Norvège par l’ambition du roi Harald et l’exode des grandes familles qui refusèrent de se soumettre à son autorité. À ce point de vue, la saga vient heureusement compléter et préciser les données souvent vagues que nous fournissent notamment le Landnamabók[2] et le Heimskringla[2]. Dans la

  1. M. A. Bley, dans ses Eigla-Studien (Gand, 1910), essaie de saper les bases de ce monument littéraire en lui appliquant mal à propos cette critique âpre et tranchante qui s’acharne surtout à démolir, qui conteste sans preuves suffisantes et qui, en l’occurrence, semble avoir perdu de vue le caractère essentiellement épique de la saga.
  2. a et b Livre de la prise de possession du pays, c’est-à-dire de l’Islande, par