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Je veux bien entamer des pourparlers, si tu liquides cette affaire ; dans l’état actuel des choses, je n’ai rien à te répondre. »

« Je veux te proposer, » reprit Egil, « ce que j’ai proposé à Önund : faire trancher notre différend par le tribunal du Gulathing. J’estime que tes frères ont péri par suite de leurs manœuvres personnelles et sans qu’une amende soit due, attendu qu’ils m’avaient mis, auparavant, en dehors des lois et des droits du pays et avaient confisqué mes biens comme butin de guerre. Le roi m’a donné l’autorisation d’invoquer contre toi, en ces circonstances, l’appui des lois. Je désire donc te faire comparaître devant le Gulathing pour obtenir que cette cause soit jugée légalement ».

« Je viendrai au Gulathing », dit Atli, « et nous pourrons y discuter nos contestations ».

Sur ces mots, Egil s’en alla avec ses compagnons de voyage. Il se rendit d’abord dans le Sogn et pénétra jusqu’à Aurland, auprès de Thord, son parent, où il resta jusqu’à l’époque du Gulathing. Au moment où les gens allèrent au thing, Egil s’y rendit aussi. Atli le Court y était venu également. Ils se mirent à causer de leur différend et l’exposèrent devant les personnes appelées à juger. Egil fit connaître ses prétentions ; mais Atli protesta au nom de la loi, opposa le serment des douze[1] pour affirmer qu’il ne détenait pas une fortune appartenant à Egil. Or, lorsqu’il se présenta au tribunal avec son jury, Egil alla à sa rencontre et déclara qu’il refusait d’accepter ses serments à la place de la fortune qui lui revenait. « Je veux te proposer une autre loi : nous irons en duel ici, au thing, et les biens seront à celui qui restera vainqueur. »

C’était la loi aussi[2], au dire d’Egil, et une ancienne coutume,

  1. Le serment de douze cojurateurs était exigé dans les affaires de quelque importance. La personne qui pensait ne pouvoir obtenir justice par la voie légale, avait la ressource du duel, non formellement reconnu par la loi, mais toléré en vertu de la tradition. Le vainqueur avait le droit de s’attribuer l’objet en litige. Chez les Francs, à l’époque de Charlemagne, douze cojurateurs affirmaient l’honorabilité et la véracité du plaideur.
  2. Le duel était une coutume tolérée par la loi et imposée par les mœurs, plutôt qu’une véritable institution prévue par la législation.