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manifeste pas son mécontentement au sujet de la présence d’Egil ; tu vas proposer à Thorolf, ton parent, de rester ici, tandis qu’Egil et moi nous vivrons paisiblement pendant l’hiver l’un auprès de l’autre. »

Ces paroles firent comprendre à Thorir qu’Arinbjörn persisterait dans sa résolution. Le père et le fils proposèrent donc à Thorolf de goûter chez eux le repos de l’hiver. Il accepta et demeura là, durant cette saison, avec onze de ses hommes. Parmi eux il y avait deux frères appelés Thorvald Ofsi et Thorvid Strangi. Ils étaient proches parents de Björn Höld et avaient été élevés avec lui. C’étaient des hommes grands et forts, très énergiques et ambitieux. Ils avaient accompagné Björn au cours de ses pirateries ; mais depuis que celui-ci avait pris du repos, ils s’étaient joints à Thorolf et prenaient part à ses entreprises guerrières. Ils se tenaient sur le gaillard d’avant ; et le jour où Egil prit la direction du bateau, Thorfid fut son pilote. Les deux frères étaient constamment autour de Thorolf qui avait pour eux une estime plus grande que pour tout le reste de son équipage. Tout cet hiver ils faisaient partie de son entourage et étaient assis tout près de Thorolf et d’Egil. Thorolf occupait le siège d’honneur et portait la santé de Thorir, tandis qu’Egil buvait en compagnie d’Arinbjörn ; ils devaient, pour vider leurs coupes, s’avancer chaque fois l’un au-devant de l’autre.

En automne le hersir Thorir rendit visite au roi Eirik qui le reçut avec une bienveillance particulière. Au cours d’un entretien qu’ils eurent ensemble, Thorir pria le roi de ne pas lui en vouloir d’avoir hébergé Egil pendant l’hiver. Le roi eut une réponse aimable et dit qu’il pouvait traiter Egil comme il l’entendrait. « Mais il n’en serait nullement ainsi, si un autre que toi l’avait accueilli. »

Lorsque Gunnhild entendit ce dont ils causaient, elle dit : « Je pense, Eirik, qu’il en sera cette fois-ci comme tant de fois ; tu te laisses trop facilement persuader ; tu perds vite le souvenir du mal qu’on t’a fait ; tu feras tant et si bien pour les fils de Skallagrim, qu’ils massacreront encore une fois quelques-uns de tes parents. Si le meurtre de Bard ne te paraît pas digne de préoccupations, moi, je pense tout autrement. »

Le roi répondit : « Plus que toute autre personne, Gunnhild,