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que je ne susse rien de leurs desseins, je m’étonnai[1] que le Cardinal, prévoyant et timide comme il était, se fût exposé à la merci de ses ennemis, et qu’eux aussi, qui avaient tant d’intérêt à sa perte, eussent laissé échapper une occasion si sûre et si difficile à retrouver[2].

Les progrès des Espagnols furent bientôt arrêtés : le Roi reprit Corbie[3], et la campagne finit plus heureusement qu’elle n’avait commencé. Il ne me fut pas permis de passer l’hiver à la cour, et je fus obligé d’aller trouver mon père, qui demeurait[4] dans ses maisons, et dont la disgrâce particulière n’était pas finie.

Mme de Chevreuse était alors reléguée à Tours, comme j’ai dit. La Reine lui avait donné bonne opinion de moi : elle souhaita de me voir, et nous fûmes bientôt dans une très grande liaison d’amitié. Cette liaison ne fut pas plus heureuse pour moi qu’elle l’avait été pour tous ceux qui en avaient eu avec elle[5] : je me trouvai[6] entre la Reine et Mme de Chevreuse ; on me permettait[7] d’aller à l’armée sans me permettre de demeurer à la cour, et en allant ou en revenant, j’étais souvent chargé, par l’une et par l’autre, de commissions périlleuses.

La disgrâce de mon père cessa enfin, et je revins avec lui auprès du Roi, dans le temps qu’on accusait la Reine d’avoir une intelligence avec le marquis de Mi-

  1. Et partit avec précipitation. Je m’étonnai. (1817, 26, 38.)
  2. Voyez le récit de Retz, tome I, p. 140-142, et surtout celui de Montrésor, p. 296-298.
  3. La place fut remise au comte de Soissons, le 14 novembre l636, après quinze jours de siège. Voyez les Mémoires de la Force, tome III, p. 181-i185. Le Roi avait quitté l’armée à la fin d’octobre.
  4. Qui étoit. (1817, 26, 38.)
  5. Voyez plus haut, p. 5 et la note 3.
  6. Avec elle ; et je me trouvai. (18 17, 26, 38.)
  7. On me permit. (Ibidem.)