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de sa jalousie, et qu’elle ne fût capable de les remettre entre les mains du Cardinal pour perdre la Reine. Dans cette extrémité, il dépêcha à l’instant même un ordre de fermer tous[1] les ports d’Angleterre, et défendit que personne n’en sortît, sous quelque prétexte que ce pût être, devant un temps qu’il marqua ; cependant il fit refaire en diligence des ferrets semblables à ceux qu’on lui avait pris, et les envoya à la Reine, en lui rendant compte de ce qui était arrivé. Cette précaution de fermer les ports retint la comtesse de Carlille, et elle vit bien que le duc de Bouquinquan avait eu tout le temps dont il avait besoin pour prévenir sa méchanceté. La Reine évita de cette sorte la vengeance de cette femme irritée, et le Cardinal perdit un moyen assuré de convaincre la Reine et d’éclaircir le Roi de tous ses doutes, puisque les ferrets venaient de lui et qu’il les avait donnés à la Reine[2].

Le Cardinal songeait alors à former le dessein de détruire le parti des huguenots et à faire[3] le siège de la Rochelle. Cette guerre a été si amplement décrite, qu’il serait inutile d’en dire ici les particularités ; on sait assez que le duc de Bouquinquan vint avec une puissante flotte pour secourir la Rochelle, qu’il attaqua l’île de Ré sans la prendre, et qu’il se retira après un succès malheureux ; mais tout le monde ne sait pas que le Cardinal accusa la Reine d’avoir concerté cette entreprise avec le duc de Bouquinquan, pour faire la paix des hu-

  1. Le mot tous n’est pas dans les éditions de 1817, 26, 38.
  2. La Rochefoucauld est, à notre connaissance, le seul écrivain du temps qui fasse mention de cette histoire des ferrets, où V. Cousin (Madame de Chevreuse, p. 64, note) ne veut voir qu’une anecdote romanesque recueillie dans des bruits de salon, tout en disant, d’autre part (p. 58), qu’il ne l’admet ni ne la rejette.
  3. Formoit alors le dessein de détruire et de faire. (1817, 26, 38.)