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dispositions, et que, sommant la Reine de sa parole dès qu’elle fut en pouvoir de l’exécuter, il ne lui aurait pas donné le loisir d’apprendre de son nouveau ministre de quoi elle devait payer les plus anciens et les plus fidèles de ses serviteurs ; mais, outre que j’aurais eu honte de lui parler pour moi en un temps où je croyais ne devoir ni parler ni vivre que pour elle, je pensais que sa reconnaissance ne l’entretiendrait que trop de mes intérêts, et que les siens m’étant mille fois plus considérables, je n’aurais qu’à me préserver de ces grâces excessives qui rendent encore plus odieux ceux qui les font que ceux qui les reçoivent. Véritablement je m’aperçus bientôt qu’il ne me faudrait pas de grands antidotes contre ce venin : ma faveur excita plutôt la pitié que l’envie. Dans la profusion la plus générale que l’on ait jamais vue, on me refusa jusqu’à un tabouret qui n’eût rien coûté, si ce n’est que rien ne coûte tant que de faire justice à un homme à qui on veut donner sujet de faillir, pour avoir sujet de le maltraiter. Je dis faire justice, parce que c’était à la fin ce que je demandais, et que, pour décharger la Reine des plaintes des autres prétendants aussi bien que de sa parole, je m’offris de prouver dans le conseil que ce qu’on m’accorderait ne ferait conséquence pour qui que ce fût. Ce n’est pas que je ne susse bien que je n’étais point le seul fils de duc ; ce n’est pas aussi que je voulusse dire qu’il n’y eût que moi de qui les pères eussent toujours reçu cet honneur de nos rois d’en être avoués pour parents, car je ne sais point me faire valoir aux dépens d’autrui ; mais, en justifiant ce dernier avantage par des titres qui ne peuvent pas être soupçonnés de faux en un temps où tant d’autres en sont convaincus, j’entendais