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qu’un effet de sa mauvaise foi, puisque j’aurais eu de quoi me croire assez heureux, s’il m’avait tenu quelque partie des choses qu’il m’avait promises ; néanmoins passons-lui pour justes toutes les injustices et toutes les infidélités que la crainte a pu lui faire commettre tandis qu’il n’a pas été assez assuré de son pouvoir ; mais d’avoir fait survivre sa haine et sa perfidie au frêle et malheureux crédit qui semblait les avoir attirées sur moi, et d’avoir affecté, depuis ma destruction, de me rendre les espérances qu’il m’avait ôtées, pour avoir seulement nouvelle matière de me désobliger et de me trahir, c’est véritablement ce que j’aurais de la peine à lui pardonner, et que je ne puis m’empêcher de faire connaître.

Entre toutes les choses que la Reine avait eu envie de faire pour moi, la première qui s’était présentée à elle avait été de rendre à ma maison les prérogatives qu’on avait données ou rendues à trois ou quatre autres, depuis vingt-cinq ou trente ans ; et, parce que ses recommandations y pouvaient aussi peu que ses ordres, elle se satisfaisait à renouveler, en toutes rencontres, les preuves que nous avions eues de cette intention. N’osant pas faire donner chez elle un siège à ma femme, elle n’en prenait point elle-même, quand elle l’allait voir ; elle demeurait debout des heures entières à l’entretenir ; elle lui protestait de ne la laisser pas un moment en cette posture, si elle se voyait jamais en état de l’en retirer, et elle la chassait avec des bontés qui ne se peuvent dire, dès qu’elle jugeait que la foule de celles qui devaient être assises l’allait obliger à s’asseoir. Je confesse qu’un plus prévoyant ou plus intéressé que je ne suis se fût prévalu sans doute de tant de favorables