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mêmes voies qui devaient m’avancer et qu’elle me donnait assez peu de part en beaucoup de choses où d’autres n’en devaient possible avoir que par moi. Mais, comme elle ne voulait pas encore déclarer à ses serviteurs ce qu’on avait déjà gagné contre eux auprès d’elle, ces changements et ces réserves-là ne manquaient point de belles couleurs : le défaut de confiance passa pour un simple défaut d’application ; il fallait l’imputer à un embarras que je voyais bien, plutôt qu’à un dessein formé que je ne verrais de ma vie ; je devais croire qu’elle ne s’abstenait de me dire que ce qu’elle pensait m’avoir déjà dit, et qu’à force de m’avoir dans l’esprit, elle s’imaginait que j’avais présidé à tous ses conseils, et distribué à chacun de ceux du parti l’emploi dont il était capable. Si un homme, à demi persuadé par le propre mérite de ses actions, fut achevé de l’être par des assurances où il ne voyait rien qu’on ne pût bien croire de la gratitude et de l’équité d’une grande reine, il n’y a pas grand sujet de s’en étonner ; et je penserais encore à cette heure avoir mérité tous les traitements que j’en ai reçus, si j’en avais pu conserver la crainte après les soins qu’elle avait pris de me l’ôter. Toutefois ces commencements-là eurent bientôt des suites à devoir faire juger ce qu’on a vu depuis. La mort du feu Roi arriva, et les premiers sentiments de la Reine moururent avec lui. On fit qu’elle affecta de désavouer tout autre intérêt que celui de l’État : l’arrêt du Parlement qui la fit régente la déchargea dans sa pensée de tout ce qu’elle avait cru devoir jusqu’alors ; elle fut persuadée que ce n’était pas à une princesse qui disposait de tout à payer ce qu’on avait fait pour une princesse qui ne pouvait rien ; et, si les restes du crédit de