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Le besoin qu’on eut à Paris de faire promptement des troupes en fit lever de mauvaises : on ne put choisir les officiers[1] ni les soldats, et on fut contraint de recevoir indifféremment tout ce qui se présentait[2]. Cependant le Cardinal mettait tout en usage pour former des cabales dans le Parlement, et pour diviser les généraux. La diversité de leurs sentiments et de leurs intérêts lui fournit bientôt toute la matière qu’il pouvait désirer. Dans l’autre parti, l’armée du Roi se fortifiait tous les jours, et le prince de Condé, animé par son ressentiment particulier, faisait sa propre cause de l’intérêt du Cardinal. Il avait occupé les passages les plus considérables pour empêcher la communication de la campagne avec Paris, et il ne doutait point que, manquant de secours et de vivres, cette ville ne fût bientôt réduite à la dernière extrémité[3]. Charenton était retranché, et ceux de Paris

  1. Ni les officiers. (1817, 26, 38.)
  2. Il avait été décidé d’abord en assemblée de Ville qu’on ne lèverait que des garçons et des compagnons de métier, sans y mêler aucun chef de famille, le vrai rôle des bourgeois n’étant pas de faire des sorties, mais de garder les portes, les murailles, et d’empêcher les séditions à l’intérieur. On voit par les Registres de l’Hôtel de Ville pendant la Fronde (tome I, p. 134) que le régiment de Marcillac devait se composer de quatre compagnies.
  3. La détresse, en effet, fut bientôt grande, et il fut un instant question d’expulser tous les pauvres étrangers à la ville, en leur donnant vingt sous par tête ; mais on craignit d’exciter une émeute. Le Parlement remit le terme de Pâques aux locataires, et il fut décidé que le buffet d’argent vermeil doré de la Ville serait vendu ou engagé. Le setier de froment, trois jours après la sortie du Roi, était déjà monté de treize livres à trente livres ; au moment de la paix de Rueil, il était à soixante. Ajoutez que cette année 1649, qui s’ouvrait, pour les Parisiens mutinés, sous de si tristes auspices, ne devait donner qu’une récolte fort mauvaise, et, pour comble de malheur, les misères du blocus coïncidèrent avec un débordement de la Seine si considérable, que Paris, dit Mme de Motteville (tome II, p. 325), « étoit devenu semblable à la ville de Venise, » et qu’ « on alloit par bateau dans les rues. »