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autres[1] ; le Cardinal soupçonna qu’elle fût de concert avec Monsieur le Prince[2] ; et, se trouvant trop faible pour soutenir de si grandes affaires, il se préparait à sortir du Royaume ; mais Monsieur le Prince le rassura bientôt, et l’aigreur qu’il fit paraître contre M. le prince de Conti, contre Mme de Longueville et contre moi fut si grande, qu’elle ne laissa pas lieu au Cardinal de douter qu’elle ne fût véritable. On prit de nouvelles mesures pour affamer Paris, et le prince de Condé se chargea de l’événement d’une si grande entreprise. Le parti opposé ne négligeait rien aussi pour sa sûreté. Le duc d’Elbeuf[3], gouverneur de Picardie, s’était offert le premier au Parlement, et il croyait trouver de grands avantages en se mettant à la tête du parti. Il avait de l’esprit et de l’éloquence, mais il était vain, intéressé, et peu sûr[4].

  1. M. Moreau, dans sa Bibliograplùe des Mazarinades (tome II, p. 53), cite un récit « burlesque et sérieux » : Histoire des esprits revenus à Saint-Germain, où, en face du prince de Condé calme et sans peur, l’auteur représente le duc d’Orléans qui tremble, le maréchal de la Meilleraye parlant de tout brûler, et le maréchal de Gramont toujours prêt à prendre la fuite.
  2. « Tous les jours, dit Montglat dans ses Mémoires (tome II, p. 150), quelqu’un disparoissoit à Saint-Germain,... et dès qu’on étoit un jour sans être vu, on croyoit qu’on s’étoit jeté dans Paris. » Condé lui-même s’étant absenté un instant pour aller visiter un de ses quartiers éloigné d’une demi-lieue, le Cardinal, jusqu’à son retour, fut dans les transes ; il s’imaginait que Monsieur le Prince avait passé à l’ennemi. Voyez au reste, à la suite de l’extrait de Montglat que nous venons de citer, le tableau vraiment comique des défections successives et les noms des principaux transfuges qui s’enfuirent de Saint-Germain à Paris.
  3. Sur Charles II de Lorraine, second duc d’Elbeuf, voyez ci-dessus la note 6 de la page 58.
  4. « Très-suspect à tous ceux qui le connoissoient, sur le chapitre de la probité », dit Retz (tome II, p. 147), et il ajoute (p. 178 et 179) : « Il a été le premier prince que la pauvreté ait avili ; et peut-être jamais homme n’a eu moins que lui l’art de se faire plaindre dans sa misère. » On lit aussi dans les Carnets de Mazarin (Journal