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moins de chaleur, soit que le premier mouvement fût passé, ou que la diversité des intérêts et la grandeur du dessein eussent ralenti ceux qui l’avaient entrepris. Mme de Longueville même y avait exprès formé[1] des difficultés, pour me donner le temps d’arriver et me rendre plus maître de décider : je ne balançai point à le faire, et je sentis[2] un grand plaisir de voir qu’en quelque état que la dureté de la Reine et la haine du Cardinal eussent pu me réduire, il me restait encore des moyens de me venger d’eux[3].

M. le prince de Conti entrait dans le monde : il voulait réparer, par l’impression qu’il y donnerait de son esprit et de ses sentiments, les avantages que la nature avait refusés à sa personne[4]. Il était faible et léger ; mais il dépendait entièrement de Mme de Longueville[5], et elle me laissait le soin de le conduire[6]. Le duc

    l’affaire des Importants, dans laquelle l’on l’avolt accusé de s’être raccommodé à la cour à leurs dépens (ce que j’ai su toutefois depuis, de science certaine, n’être pas vrai), je n’étois pas trop content de le trouver en cette société. Il fallut pourtant s’en accommoder. »

  1. Y avoit formé exprès. (1817, 26, 38.)
  2. Je ressentis. (1826, 38.)
  3. « Je ne suis pas — incapable de me venger. » (Portrait du duc de la Rochefoucauld fait par lui-même, tome I, p. 9.) Au fond, il était plutôt l’homme des maximes 14, 16 et 293 (p. 35, 36 et 150). Au lieu de cet esprit de suite et d’application, qu’il déclare lui-même indispensable pour se venger du mal comme pour récompenser le bien, il avait cette paresse que le diable semble avoir placée tout exprès « sur la frontière de plusieurs vertus. » (Maxime 5 12, p. 226.)
  4. On sait que le prince de Conty était contrefait ; sous ce rapport, il tenait de son bisaïeul Louis Ier de Bourbon.
  5. Suivant Mme de Motteville (tome I, p. 336), il souhaita de plaire à sa sœur « plutôt en qualité d’honnête homme que comme son frère. » Retz dit d’autre part (tome II, p. 120) : « L’amour passionné du prince de Conty pour elle donna à cette maison un certain air d’inceste, quoique très-injustement pour l’effet. »
  6. Comparez avec le portrait, visiblement trop sévère et partial, que Retz a tracé du prince de Conty, tome II, p. 180.