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parés par le duc de Guise[1]. Coligny, accablé de douleur d’avoir si mal soutenu une si belle cause, mourut quatre ou cinq mois après, d’une maladie de langueur.

Je passai beaucoup de temps à la cour dans un état ennuyeux : mon père y avait des prétentions par lui-même ; on lui faisait quelquefois de petites grâces, en lui disant qu’elles lui étaient faites uniquement à sa considération, et que je n’y avais aucune part. L’amitié que j’avais pour le comte de Montrésor m’exposa encore à de nouveaux embarras. Il avait quitté Monsieur par la haine qu’il portait à l’abbé de la Rivière ; et il s’était fait un honneur à sa mode, non seulement de ne point saluer l’abbé de la Rivière, mais d’exiger de ses amis que pas un d’eux ne le saluât, quelques civilités et quelques avances qu’ils reçussent de lui. J’étais, comme plusieurs autres, dans cette ridicule servitude, et elle m’avait attiré depuis longtemps la haine de Mon-

  1. Mme de Motteville (tome I, p. 159) rapporte un bruit d’après lequel Mme de Longueville aurait été témoin du combat, « cachée à une fenêtre, » chez, la vieille duchesse de Rohan ; « mais, dit-elle , elle eut peu de satisfaction de sa curiosité. » L’aventure de ce duel fut mise en chanson et en roman. Voici la chanson, telle qu’elle est citée par Madame de Motteville :

    Essuyez vos beaux yeux.
    Madame de Longueville,
    Essuyez vos beaux yeux,
    Coligny se porte mieux.
    S’il a demandé la vie,
    Ne l’en blâmez nullement.
    Car c’est pour être votre amant,
    Qu’il veut vivre éternellement.

    Le roman, composé par un bel esprit inconnu, a été analysé par V. Cousin dans la Jeunesse de Madame de Longueville, p. 257 et suivantes. Il a pour titre : Histoire d’Agesilan et d’Isménie, c’est-à-dire de Coligny et de Mme de Longueville ; le duc d’Enghien y figure sous le nom de Marcomir, Mme de Montbazon sous celui de Roxane, et le duc de Guise y est représenté par Florizel.