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qui demandaient à qui il se fallait adresser[1] désormais pour savoir les intentions de la Reine, et qui menaçaient de se détacher des intérêts de l’État si le duc de Beaufort et les Importants en étaient les maîtres.

Monsieur entrait dans les sentiments du Cardinal pour faire sa cour à la Reine ; il était faible, timide, léger, et tout ensemble familier et glorieux[2]. Le Cardinal fournissait abondamment aux pertes excessives que ce prince faisait dans le jeu ; il le tenait encore par l’intérêt de l’abbé de la Rivière[3], son favori, en lui faisant espérer qu’il aurait la nomination de France pour le chapeau de cardinal. Le prince de Condé, grand politique, bon courtisan, mais plus appliqué à ses affaires domestiques qu’à celles de l’État, bornait toutes ses prétentions à s’enrichir[4]. Le duc d’Enghien, son fils, jeune, bien fait,

  1. A qui il falloit s’adresser. (1817, 26, 38.)
  2. « M. le duc d’Orléans avoit, dit Retz (tome II, p. 175), à l’exception du courage, tout ce qui étoit nécessaire à un honnête homme ; » et, parlant de sa faiblesse, il ajoute : « Comme elle régnoit dans son cœur par la frayeur, et dans son esprit par l’irrésolution, elle salit tout le cours de sa vie. »
  3. Louis Barbier, né à Montfort-l’Amaury, d’abord professeur de philosophie au collège du Plessis à Paris, puis sous-précepteur dans la maison du duc d’Orléans. On raconte qu’il savait Rabelais par cœur, et que c’est là ce qui lui valut la faveur de Gaston, dont Rabelais était, dit-on, l’auteur préféré. Ayant échoué dans la poursuite du chapeau de cardinal, il eut, comme dédommagement, l’abbaye de Saint-Benoit et, en 1656, l’évêché de Langres, qui était duché-pairie. Il mourut en 1670. On prétendait qu’il avait vendu tant de fois le duc d’Orléans, son maître, que nul n’en pouvait mieux savoir le prix.
  4. Henri II de Bourbon n’avait pas toujours été aussi exclusivement appliqué à ses affaires domestiques, témoin les trois années de prison qu’il avait passées à la Bastille et à Vincennes sous la régence de Marie de Médicis. Cette leçon lui avait suffi ; rendu à la liberté, il s’était guéri de l’ambition par l’avarice, conformément à la 10e maxime de la Rochefoucauld (tome I, p. 34) : « Il y a dans le cœur humain une génération perpétuelle de passions, en