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réussir sans peine dans son dessein : il savait avec quelle facilité il avait fait changer de sentiments[1] à la Reine pour ceux à qui il avait voulu nuire ; il voyait encore qu’elle avait condamné trop publiquement la conduite du cardinal de Richelieu, pour conserver dans les affaires un homme qui y était mis de sa main, et qu’elle accusait d’avoir porté le Roi à la déclaration dont j’ai parlé.

Cette confiance fit négliger au duc de Beaufort et à l’évêque de Beauvais beaucoup de précautions durant la vie du Roi, qui leur eussent été utiles après sa mort ; et, s’ils eussent fait alors tout ce qu’ils pouvaient faire contre le Cardinal[2], la Reine était[3] encore assez irrésolue pour recevoir les impressions qu’on eût pu lui donner. Elle me cachait moins qu’aux autres l’état de son esprit, parce que, n’ayant point eu d’intérêts[4] que les siens, elle ne doutait pas que je ne suivisse ses sentiments. Elle souhaita même que je fusse ami du duc de Beaufort et que je me déclarasse pour lui contre le maréchal de la Meilleraye[5], bien qu’il fût des amis de mon père et le mien. Elle voulut aussi que je visse le cardinal Mazarin, ce que j’avais évité de faire depuis la déclaration ; elle ne m’en pressait d’abord que sous le prétexte de me faire faire ma cour auprès du Roi et pour

  1. De sentiment. (1817, 26, 38.)
  2. Contre le cardinal Mazarin. (Ibidem.) — L’édition de 1817 a une virgule après sa mort, et un point après Mazarin.
  3. La Reine avoit été. (1817, afi, 38.)
  4. N’ayant eu d’autres intérêts. (Ibidem.)
  5. Dans la querelle pour le gouvernement de Bretagne, que Richelieu avait comme légué au maréchal, et que prétendait la maison de Vendôme. Cette affaire partagea toute la cour en deux camps. « M. de Marcillac, dit la Châtre (p. 189), ayant obligation au premier, et voyant son père dans son parti, étoit prêt à s’y mettre aussi ; mais, en ayant parlé ù la Reine, elle lui commanda de s’offrir à M. de Beaufort, et lui en parla comme de la personne du monde pour qui elle avoit autant (sic) d’estime et d’affection. »