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Ce fut dans cette conjoncture que je crus qu’il était très important à la Reine d’être assurée de M. le duc d’Enghien[1]. Elle me pressa avec instance d’en chercher les moyens. J’étais particulièrement ami de Coligny[2], en qui le duc d’Enghien avait une entière confiance : je lui représentai les avantages que Monsieur le Duc pourrait trouver dans cette union, et qu’outre l’intérêt que la maison de Condé avait de s’opposer à l’autorité de Monsieur, celui de l’État l’y obligeait encore. Cette proposition fut reçue de M. le duc d’Enghien comme je le désirais : il me témoigna une extrême reconnaissance de l’avoir imaginée, et me laissa le soin de la faire réussir ; mais, comme le commerce que j’avais avec lui eût pu aisément devenir suspect au Roi dans le temps qu’il venait de lui donner le commandement de l’armée de Flandres, il désira que ce fût à Coligny seul à qui je rendisse les réponses de la Reine, et que lui et moi fussions uniquement témoins de leur intelligence. Il n’y eut aucune condition par écrit ; nous fûmes dépositaires, Coligny et

    moments de Louis XIII et sur la situation à laquelle il aboutit, il faut rapprocher du récit de la Rochefoucauld le chapitre v du tome I des Mémoires de Mme de Motteville, qui, dans un préambule éloquent (p. 99 et 100), expose « de quelle nature est le climat de ce pays qu’on appelle la cour — L’air n’y est jamais doux ni serein pour personne… C’est une région venteuse, sombre et pleine de tempêtes continuelles. Les hommes y vivent peu ; et, le temps que la fortune les y laisse, ils sont toujours malades de cette contagieuse maladie de l’ambition , qui leur ôte le repos, leur ronge le cœur et leur envoie des vapeurs à la tête , qui souvent leur ôtent la raison. »

  1. Le grand Condé, Louis II de Bourbon, qui prit le titre de prince de Condé à la mort de son père en 1646. Né à Paris le 8 septembre 1621, il mourut à Fontainebleau le 11 décembre 1686. — Son nom, dans le manuscrit D, est toujours écrit Anguien ou Enguien.
  2. Maurice comte de Coligny, fils aîné du maréchal de Châtillon. La Rochefoucauld raconte plus loin (p. 90-93) son duel