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LA DÉCOUVERTE DE L’ANNEAU DE SATURNE PAR HUYGENS

moi seul qui l’ai vue. Presque en même temps on s’en est aperçu en Angleterre, et même remarqué sa période de seize jours. C’est ce que le professeur Wallis m’a écrit d’Oxford, et me le démontre par l’explication d’un anagramme qu’il m’envoya aussitôt que je lui eus envoyé le mien, qui contenait cette observation[1]. Hévélius n’a pas d’assez bonnes lunettes pour voir cette nouvelle étoile qui pourtant m’a aussi depuis peu envoyé un autre anagramme qui cache quelque nouveau phénomène de Saturne.

Il précise ses connaissances dans une lettre à R. Paget[2] (juillet 1656) et la possibilité d’observation des satellites et des détails planétaires suivant la puissance de la lunette (lettre à J. Chapelain (?) de la même époque). Enfin, il s’entretient de Titan dans une correspondance assez suivie avec R. F. de Sluse[3] et sa découverte ne fait plus de doute pour personne ; peu de lunettes, cependant, étaient déjà susceptibles d’apercevoir ce satellite, et, le 19 octobre 1687, J. Chapelain (?) lui écrit :

Car pour ce dernier (le Système de Saturne), ayant vu passer le mois d’avril que vous aviez pris pour terme, sans que vous m’eussiez fait savoir si le ciel vous avait confirmé dans l’opinion qu’il y avait une lune qui tournait autour de cette planète si éloignée de nous ; je vous avoue que je commençais à me défier de l’observation que vous en aviez faite, et que j’avais regret à vous avoir conseillé d’en publier la découverte dans la crainte que le Monde, n’y trouvant pas la réalité qu’il s’en était promise, ne vous blâmât d’avoir été trop léger à la croire, et à l’assurer. Mais l’entretien que j’ai eu avec notre Ami (M. Boulliau) sur cette matière a dissipé toutes mes appréhensions, et m’a donné une joie extrême de voir que votre Télescope ne vous avait point trompé, et qu’il vous avait fourni de quoi accroître si notablement la Science des Astres. Il m’a ravi en m’assurant que non seulement vous aviez retrouvé votre Lune, mais que vous en aviez encore observé le cours, et que vous aviez marqué au juste le temps de sa révolution autour de sa Planète. Il m’a dit que vous la lui aviez

  1. Il s’agit ici d’une petite supercherie que Wallis avoua peu après à Huygens.
  2. Robert Paget, Magister Artium, a occupé la Chaire presbytérienne à Dordrecht de 1638 à 1685, quoiqu’on l’eut appelé à Amsterdam et à Utrecht, où il mourut : c’était un homme très savant et un ami des de Witt.
  3. René-François de Sluse, fils du notaire Renard de Sluse et de Catharine Walteri, naquit à Vise le 2 juillet 1623 et mourut à Liège le 19 mars 1685. Ayant fait ses études à Louvain de 1638 à 1642, il devint docteur en droit à Rome en 1643 et resta quelques années en Italie ; il fut reçu chanoine de Saint-Lambert le 1er  avril 1651, et en 1666 abbé d’Amay. En 1674 il devint membre de la Société Royale.