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LA REVUE DU MOIS

user de représailles… Qu’ils se rassurent : contre un système qui n’a jamais qu’étouffé notre marine marchande, sous prétexte de la protéger, l’Angleterre n’éleve aucune plainte, ne manifeste aucune inquiétude ; les affirmations de ses hommes politiques ; les articles de ses journaux sont significatifs à cet égard : « Il est à peine besoin, dit le Glasgow Herald du 30 décembre 1905, de montrer que le système français ne peut produire aucun résultat… »

C’est parce que les plus puissantes industries de l’Angleterre sont ainsi sûres de leur pouvoir et parce que les forts ont tout à gagner de la liberté que l’Angleterre est restée et restera longtemps la terre de Cobden ; ses intérêts lui permettent de jouer ce noble rôle, qui lui vaut l’estime et l’espoir des partisans de cette paix commerciale, si proche de l’autre paix ; en elle est le point d’appui dont nous pourrions, au moment propice, nous servir pour rompre les barreaux de notre prison.

Seule l’Angleterre peut nous aider à briser les armes qui donnent à l’Allemagne sa puissance économique, à nous affranchir de la servitude commerciale qu’implique à notre égard la clause de la nation la plus favorisée, à rompre l’unité formidable du Zollverein. Longtemps indifférente, elle sent aujourd’hui l’étendue du danger qu’elle a laissé créer il y a quarante ans. À cette époque, alors que l’essai loyal du libre échange était tenté chez nous à l’imitation de l’Angleterre, la bastille protectionniste commençait à s’élever de l’autre côté du Rhin, non fortifiée encore par les victoires de la Prusse ; elle s’élève toujours, de plus en plus formidable, grossie de tous les profits que sa situation privilégiée lui permet de prélever sur les autres nations ; des industries françaises passent sous le patronage allemand, tout au moins par l’intermédiaire commercial ou maritime de l’Allemagne[1] ; on peut en dire autant de nombreuses industries russes et autrichiennes. Les navires allemands vont enlever le fret aux Anglais dans la Méditerranée et jusque dans l’Extrême-Orient ; c’est l’organisation protectionniste la plus formidable, la plus méthodique se mettant à la conquête de la mer, avec un esprit de discipline et une méthode tout à fait remarquables.

  1. Voir dans notre volume « Navires et Ports marchands » pour l’indication d’industries françaises qui font vivre le port de Hambourg, la marine et les commissionnaires allemands.