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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES


La Fondation de l’Empire allemand (1852-1871), par Ernest Denis.

M. E. Denis vient de compléter ses belles études sur l’histoire de l’Allemagne, de 1789 à 1852, par un tableau remarquable de la fondation de l’Empire. Après avoir rappelé les origines de l’unité, et évoqué la réaction qui suivit la Révolution de 1848, il indique l’évolution de l’attitude politique de la Prusse durant le règne de Frédéric-Guillaume IV et la régence du prince Guillaume. Des « années d’apprentissage de Bismark », M. Denis passe à l’étude des diverses phases de la formation de l’unité allemande la question des Duchés, la guerre de Koeniggraetz avec l’Autriche, la fin de la Confédération germanique, la guerre de 1870, et la proclamation du nouvel Empire dans la Galerie des Glaces, à Versailles, le 18 janvier 1871. Le livre de M. Denis, écrit avec une précision spirituelle, est d’une lecture attachante, et instructive ; d’une documentation sûre, et d’une portée très originale, notamment en ce qui concerne le mouvement intellectuel allemand, et le véritable rôle de Bismarck, trop souvent transfiguré, — et défiguré, — par les biographes. M. Denis ne croit pas aux héros ; selon lui, — et à bon droit, semble-t-il, — « un homme, si grand qu’on le suppose, ne crée pas un peuple ».

La Révolution française et les poètes anglais (1789-1809), par Charles Cestre.

On sait que la Révolution française, après avoir à ses débuts été saluée avec enthousiasme par quelques Anglais, n’éveillait plus, peu de mois après, dans presque toute cette nation, que la raillerie, l’horreur ou le dégoût. Le gros livre de M. Cestre étudie comment la Révolution a été comprise et sentie par les poètes anglais qui se forment ou achèvent de se développer en ces années-là, quelle répercussion elle a dans l’œuvre de Blake, de Burns, mais surtout dans celle de Wordsworth, de Coleridge et de Southey ; comment chez ces derniers, à l’enthousiasme juvénile a succédé la défiance et le blâme, à mesure que leurs propres conceptions morales et sociales se définissaient ; quels liens rattachent les aspirations révolutionnaires et cette grande transformation des idées et du style qui a abouti à la poésie romantique anglaise. Cet ouvrage, on le voit, sera également utile à l’historien des idées politiques et à l’historien des littératures.

Questions d’histoire et d’enseignement, par Ch. V. Langlois.

Le rôle grandissant du Musée pédagogique dans notre enseignement augmente encore l’intérêt qui s’attache aux idées sur l’éducation de son éminent directeur ; on sera heureux de trouver réunis des articles où il les a exposées ; il y a joint des conférences faites aux États-Unis, et inédites en français sur « la Tradition de la France » et sur « Michelet » ; on y retrouve l’historien distingué chez lequel la connaissance précise des faits ne nuit en rien à la largeur des vues.

Le Canada, les deux races, par André Siegfried.

Après trois voyages d’étude au Canada, M. André Siegfried publie une étude d’ensemble qu’on pourrait appeler la politique canadienne. La partie la plus intéressante et la plus développée de cet ouvrage où tout est à lire est fournie par les chapitres qui traitent de la nation canadienne française (1.800.000 habitants sur les 5 millions de canadiens, plus 8 à 900.000 immigrés aux États-Unis). M. Siegfried n’a pas seulement étudié leur sentiment national qui n’est à proprement parler ni français ni anglais, mais strictement canadien ; il a consacré plusieurs chapitres à l’Église catholique restée, sous la domination anglaise, aussi puissante qu’elle l’était en 1763. Rien de plus vivant et de plus suggestif que cette partie de son livre. Les chapitres sur les partis, les élections, l’impérialisme forment, après l’étude du même auteur sur la démocratie en Nouvelle-Zélande, une importante contribution à l’étude de la politique d’affaires qui caractérise les pays neufs où la mise en valeur du sol est le principal souci des colons.

De la Mer bleue au Mont-Blanc, par P. Lancrenon.

Parmi les ouvrages destinés à défendre les cols faisant communiquer la France et l’Italie, il en est de placés très haut, que les tourmentes de neige peuvent isoler pendant plusieurs semaines du reste du monde, et qui cependant sont occupés en toute saison par des soldats alpins.

L’auteur s’est assigné la tache difficile de visiter ces divers postes en passant d’une vallée à l’autre à travers les cols, et cela en plein hiver ; encouragé par le succès, il tente alors l’ascension du Mont-Blanc… en mars. Le récit de ces courses et la contemplation des belles photographies qui l’accompagnent plairont à tous ceux que la montagne ne laisse pas indifférents.