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LA REVUE DU MOIS

avec Mme  Curie dans l’étude des corps radioactifs, à peu près vierge à ce moment. Grâce à eux et à l’impulsion qu’ils ont donnée, la littérature est devenue sur ce sujet tellement abondante qu’il pensait en dernier lieu à changer de domaine, à revenir probablement vers l’étude si difficile mais qui lui était si chère, des milieux cristallisés.

Il était en effet admirablement outillé pour ce genre de recherches dont il déplorait amèrement la disparition en France. En dehors des circonstances qui l’avaient dirigé de ce côté dès le début de sa carrière, il devait à son remarquable esprit mathématique, à sa faculté singulière de vision géométrique intérieure, de se mouvoir avec une véritable aisance dans ce milieu de la symétrie dont la plupart des physiciens ne possèdent qu’une connaissance verbale. Il en connaissait les coins et les détours, avait introduit des notions nouvelles, de dédoublement des axes, de plan de symétrie rotatoire ou translatoire, qui permettaient de généraliser et de simplifier les théorèmes.

Il satisfaisait là son goût de la rigueur qui joint à sa puissance de représentation en eût fait un mathématicien de premier ordre si son éducation première ne l’avait mis en contact intime et profond avec la réalité concrète.

De la même manière et comme prolongement de ses idées sur la symétrie, il avait compris la nécessité, pour éclairer à la fois la mécanique, l’hydrodynamique, la théorie de l’élasticité et de l’électromagnétisme, de réunir en un corps de doctrine qu’il avait approfondi plus que personne et qui lui était entièrement familier malgré sa complexité, toutes les notions relatives aux champs de vecteurs.

Il avait profité de sa première année d’enseignement dans sa chaire magistrale de la Sorbonne pour exposer ces idées, à peu près complètement inconnues ici, sur les lois de symétrie, leur application féconde à la physique, et la théorie des vecteurs et tenseurs. Il m’avait entretenu de son projet de compléter tout cela par un cours plus complet de physique des milieux cristallisés, qu’il était seul ici à pouvoir faire.

Ceux qui d’ordinaire s’occupent de telles questions, abstraites et complexes, sont des physico-mathématiciens, des Gibbs, des