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CHRONIQUE

salaires dont il est parlé plus haut, devrait recevoir une partie des bénéfices des patrons syndiqués.

« Tout patron syndiqué aurait droit pour ses ouvriers à des attributions de bénéfices, quel que soit le résultat économique de son entreprise industrielle. De cette façon, la part de bénéfice pour le travailleur ne dépendrait pas de la prospérité d’une entreprise isolée, mais de l’ensemble de la prospérité des industries syndiquées. On pourrait ne distribuer qu’une partie des capitaux recueillis annuellement.

« Les ouvriers bénéficiaires devraient avoir au moins trois ans de présence chez un patron ; puis, d’année en année, la part bénéficiaire s’augmenterait.

« Après vingt ans environ chez des patrons syndiqués, une retraite proportionnelle serait accordée ; elle s’ajouterait à celle éventuelle que le Parlement doit voter dans sa prochaine session.

« En cas de grève partielle ou générale nécessitant une défense patronale, les fonds seraient prélevés sur la caisse syndicale, et les bénéfices de l’année seraient supprimés dans la proportion des fonds employés à la défense commune.

« Il faut, dit en résumé l’honorable M. Mildé, que l’industriel se persuade bien qu’à notre époque le dévouement du personnel ne s’obtiendra que par une participation sur les bénéfices ; mais le patron isolé ne peut rien parce que souvent et longtemps il n’a pas de bénéfices… »

Tel est le plan de défense patronale par la participation des ouvriers aux bénéfices collectifs, qui constitue, à notre avis, une combinaison très neuve et très hardie en même temps qu’une mesure à la fois adroite, généreuse et pratique :

Adroite, parce qu’elle associe l’ouvrier au sort d’une industrie, qu’elle l’attache à sa spécialité, qu’elle réserve une prime croissante à son « ancienneté », c’est-à-dire à sa fidélité à son métier ; parce qu’elle constitue, en quelque sorte, au milieu de l’armée des travailleurs, des cadres sûrs, des guides disciplinés, ennemis des perturbateurs et des violents.

Généreuse, parce qu’elle devance les lois du jour, parce qu’elle s’inspire d’un sentiment de fraternité loyale entre le capital et le travail, qu’elle veut, conformément aux suggestions de l’équité, les associer tous deux à l’œuvre commune.

Pratique enfin parce qu’elle échappe à toutes les critiques que peut soulever l’établissement de la participation aux bénéfices chez chaque patron séparément ; puisque les industriels sont les premiers à tracer les conditions fort simples suivant lesquelles seraient faits leurs versements à la caisse de défense, l’objection très sérieuse formulée