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LA REVUE DU MOIS

contre ce défaut que l’Angleterre réagit dans toutes ses écoles, et si l’amiral Togo a remporté la victoire de Tsoushima, c’est, en grande partie, parce que son escadre avait perfectionné ses vertus maritimes par une croisière pénible et ininterrompue de quinze mois.

En France, cet amoindrissement du sens marin est commun à toutes les écoles des équipages, mais ce n’est pas leur seul défaut comme celles des officiers, et pour les mêmes raisons, elles possèdent toutes un enseignement trop théorique et trop stable, ce qui n’a rien d’étonnant puisque ce sont les officiers qui font l’instruction de leurs équipages et qu’ils s’efforcent naturellement de calquer la mentalité de leurs subordonnés sur la leur propre.

Seule, l’école des gabiers ne peut pas encourir le reproche d’être trop théorique puisque son essence même est d’être uniquement pratique, mais, par contre, elle encourt, plus que toutes les autres, le reproche d’être restée trop stable en ce sens que son enseignement pratique des voiles est restée presqu’aussi développé qu’autrefois, malgré l’emploi décroissant de celles-ci : c’est pourquoi les travaux relatifs aux mâts ou gréements en fer n’ont pas suivi un développement proportionné au remplacement par ceux-ci des apparaux en cordages ou en bois ; c’est pourquoi les gabiers ne savent pas manœuvrer les appareils modernes tels que les treuils ou cabestans à vapeur qui ont remplacé les palans ou cabestans à bras dont ils étaient autrefois chargés.

À part cette école, toutes les autres sont trop théoriques, et la cause en est dans l’éducation trop abstraite et peu pratique des officiers qui, faute d’une expérience manuelle suffisante, n’ont pas toujours su donner aux équipages l’enseignement très pratique que comportaient leurs fonctions à bord. Toutefois cette allure théorique ne se manifeste pas dans un supplément d’effort demandé à l’intelligence des apprentis, et la marine, ne tenant guère compte de la diffusion de l’enseignement primaire en France, considère toujours les marins comme aussi illettrés qu’il y a cinquante ans.

Rien n’est cependant plus faux, et il suffit de vouloir instruire