Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
L’INSTRUCTION TECHNIQUE DES ÉQUIPAGES DE LA FLOTTE

Mais, depuis cette époque, il est survenu dans le matériel de grands perfectionnements qui n’ont pas été accompagnés de modifications parallèles dans l’instruction du personnel, de sorte que le but rempli autrefois par les écoles de spécialité n’est plus atteint aujourd’hui. M. de Lanessan, ministre de la marine, le constatait lui-même, en écrivant, dans les considérations qui précèdent son décret du 29 janvier 1901. :

Si la multiplication des spécialités a marché parallèlement à la différenciation des organes du matériel, la valeur du personnel a progressé moins rapidement que n’a crû la complexité du matériel. Certains rapports de commandants de nos navires et de nos chefs d’escadre signalent l’insuffisance d’une notable partie des hommes de nos équipages et permettent de conclure qu’en ce moment, le matériel est plus perfectionné que le personnel n’est savant. En d’autres termes l’évolution scientifique du personnel a marché moins vite que celle du matériel.

Cette évolution du matériel est due à l’apparition de la machine à vapeur et à l’impulsion industrielle qui en fut le corollaire. Peu à peu, les armes se perfectionnant, la connaissance de leur emploi demanda des études plus grandes, et le temps maximum que l’on voulait consacrer aux écoles d’apprentis devint insuffisant pour mener de front l’enseignement purement maritime et l’instruction militaire : aussi fut-on amené à séparer ces deux conceptions et à considérer le sens marin comme une spécialité au même titre que les autres.

Ce fut l’origine de l’école des gabiers et j’estime que l’on a commis une erreur, non pas en la créant, mais en réduisant le développement purement marin des autres écoles, car quoi qu’on en dise, il faudra toujours que les hommes qui naviguent possèdent une instruction maritime suffisamment développée puisque la mer a toujours les mêmes exigences. Or il n’est que trop fréquent aujourd’hui de voir des marins de l’État incapables de manœuvrer une embarcation à voiles, et on est toujours obligé, sur un bâtiment de guerre, de choisir assez minutieusement parmi les gabiers, les hommes susceptibles d’armer un canot par un mauvais temps ; a fortiori cette constatation est-elle vraie s’il s’agit de faire des travaux purement maritimes.

C’est à une pareille diminution de la valeur maritime de ses équipages que l’amiral Rojedstvinsky attribue sa défaite ; c’est