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La Tentation de saint Antoine.
Triptyque (volet de gauche).
Musée du Prado.
d’école antérieurs avaient enseigné à leurs élèves un mode de composition rationnel, où la fantaisie ne se glissait qu’en des conditions restreintes et prévues. Leurs Jugements derniers faisaient une part nécessaire aux scènes diaboliques, mais la diablerie ne s’isolait point d’un ensemble organique et jamais elle ne débordait son cadre. À leurs sujets de sainteté les vieux peintres mêlaient volontiers des figures familières et même, accessoirement, des traits de l’existence habituelle. Partout, le caractère populaire qu’ils aimaient gardait une réserve que le plus effronté des Primitifs, « le Maître de Flemalle » avait lui-même respectée. À la vérité, Jean van Eyck s’était permis, çà et là, très rarement, quelque essai purement pittoresque : tels son petit panneau de la Chasse à la loutre au bord d’une rivière, dont le souvenir est resté, et l’énigmatique Sortilège d’amour, recueilli au musée de Dresde. Un peu plus tard, en 1449, Pierre Christus osait représenter sainte Godeberte se fiançant à un jeune seigneur dans la boutique d’un orfèvre, figurant saint Éloi[1]. D’analogues initiatives avaient pu, exceptionnellement, se donner cours. La peinture des mœurs n’en demeurait pas moins, en principe, confondue

  1. Voir E. Durand-Gréville, Les Deux Petrus Christus, dans la Revue, t. XXX, p. 43, 129 et 195.