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totalement animé du génie populaire, ouvrant sans réserve à l’âme et à l’humeur du peuple les données mystiques et religieuses, créant un mode d’expression nouveau et aboutissant à la peinture des mœurs, est demeuré obscur. Si peu d’hommes ont exercé sur leur temps et sur le prochain avenir une action semblable, il est juste que celui-ci soit honoré en dehors de tout malentendu de détail, dans la claire et centrale conscience de ses vues, de ses exemples. La présente esquisse a pour premier objet de résumer et de grouper, sur le grand artiste, les notions bien établies. Et puisse-t-elle, en conclusion, avoir fait au moins sentir en lui le nécessaire précurseur des réalistes affranchis des formules, libres interprètes de la vie commune aux Pays-Bas !

Ce que nous savons par les textes de l’existence d’un maître si étrangement personnel est peu de chose. Suivant l’apparence, sa famille était venue à Bois-le-Duc (Hertogen Bosch) d’Aix-la-Chapelle (Acken ou Aken), car elle portait le nom de « Van Aken », c’est-à-dire « d’Aix ». Lui-même dut naître à Bois-le-Duc, puisqu’il n’eut jamais à y acquérir le droit de bourgeoisie et qu’il signa ses ouvrages d’une partie du nom de la ville (Bosch) ajoutée à son prénom particulier (Hieronymus). Très probablement, il y reçut son instruction complète, s’y mit en évidence, ne s’en éloigna guère. Comme il y était né, il y mourut. Dès l’année 1493, il y dessinait des vitraux pour la chapelle de la Confrérie de la Croix, à l’église Saint-Jean. En 1504, il peignait pour Philippe le Beau un Jugement dernier de grandes dimensions : c’est donc qu’il avait déjà fait ses preuves. Sa production fut considérable, fort répandue, gravée de bonne heure et très imitée. Lors de la prise de Bois-le-Duc, en 1629, l’église Saint-Jean s’enorgueillissait encore de ses tableaux la Création du monde, Salomon et Abigaïl, l’Adoration des Mages, la Prise de Béthulie, Judith et Holopherne, Esther devant Assuérus. Le clergé obtint du vainqueur, Frédéric-Henri, la permission de retirer ces peintures. Si l’on en croit l’ancienne inscription du Livre d’Heures de Philippe de Clèves, manuscrit de la bibliothèque du duc d’Arenberg, à Bruxelles : Hieronymi Boscii propria manus… Bosch aurait fait des travaux d’enlumineur. Au Palais royal de Madrid, des tapisseries du Jugement dernier et de divers épisodes de la Vie de saint Antoine sont données comme tissées d’après des patrons de lui, chose possible. Les