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ouvert, que leur museau ne se raccourcît de plus en plus, et qu’à la fin, étant entièrement effacé, ils n’eussent leurs dents incisives verticales. »

Je voudrais citer tout au long les huit pages (349-357) dans lesquelles est résumée la transformation d’un singe en homme, l’acquisition, par cette espèce nouvelle d’une prépondérance sur les autres et même, l’origine du langage articulé ; je me borne à reproduire les quelques lignes relatives au langage (p. 356) :

« … Les individus de la race dominante…, ayant eu besoin de multiplier les signes pour communiquer rapidement leurs idées devenues de plus en plus nombreuses, et ne pouvant plus se contenter ni des signes pantomimiques, ni des inflexions possibles de leur voix, pour représenter cette multitude de signes devenus nécessaires, seront parvenus, par différents efforts, à former des sons articulés : d’abord, ils n’en auront employé qu’un petit nombre, conjointement avec des inflexions de leur voix ; par la suite, ils les auront multipliés, variés et perfectionnés, selon l’accroissement de leurs besoins et selon qu’ils se seront exercés à les produire… De là, l’origine de l’admirable faculté de parler ; et comme l’éloignement des lieux où les individus se seront répandus favorise la corruption des signes convenus pour rendre chaque idée, de là l’origine des langues, qui se seront diversifiées partout »

Malgré son mépris pour l’opinion de la « majorité compacte », Lamarck, désireux sans doute de voir répandre ses idées a introduit de ci de là, dans son ouvrage, quelques phrases destinées à atténuer les mauvaises volontés dont était menacée la théorie nouvelle. En particulier, son chapitre relatif à l’homme commence par ces mots : « Si l’homme n’était distingué des animaux que relativement à son organisation… » et se termine par cette phrase prudente :

« Telles seraient les réflexions que l’on pourrait faire si l’homme… n’était distingué des animaux que par les caractères de son organisation et si son origine n’était pas différente de la leur. »

Dès les premières pages de son livre, aussitôt qu’il a exprimé sa croyance à la transformation des espèces, il craint d’être suspecté d’athéisme (p. 56) :

« Sans doute, rien n’existe que par la volonté du sublime Auteur de toutes choses. Mais pouvons-nous lui assigner des règles dans l’exécution de sa volonté, et fixer le mode qu’il a suivi à cet égard ? Sa puissance infinie, n’a-t-elle pu créer un ordre de choses qui donnât successivement l’existence à tout ce que nous voyons, comme à tout ce qui existe et que nous ne connaissons pas.

« Assurément, quelle qu’ait été sa volonté, l’immensité de sa puissance est toujours la même ; et de quelque manière que se soit exécutée cette volonté suprême, rien n’en peut diminuer la grandeur. »