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Sans doute ceux qui l’ont préparé à la vie ont voulu lui donner le recueil complet des « recettes pour se tirer d’affaire » ; mais ils n’ont pas prévu tous les cas. Et, le jour où le mécontent aurait besoin d’initiative et d’audace, il reste inerte : de son être diminué rien ne jaillit.

L’École ne veut pas que l’enfant soit, simplement, l’enfant ; elle veut qu’il parle le jargon du spécialiste et elle en fait la caricature de l’homme. De même que de pauvres petits êtres de neuf ou dix ans apprennent au collège l’ignoble parodie de l’amour, les écoliers apprennent en classe l’affreuse parodie de la pensée. Durant des milliers d’heures l’enfant reste tranquille pour ne pas être puni ; pour mériter son diplôme il apprend un tas de choses ennuyeuses ; et, constamment, au lieu d’exercer ses propres forces, il retient ce que les autres ont fait et ce qu’ils ont dit. Si, de la sorte, l’éducateur moderne ne peut préparer des générations d’enthousiastes, il forme par contre d’excellents employés qui jusqu’au bout sauront faire leur devoir. Mais le sentiment du devoir ne sera pas, en eux, une force qui maintiendra droite leur attitude ; il se confondra toujours avec la crainte de désobéir. Sans élans, sans ardeur, sans vie, on les fera facilement s’incliner devant l’Autorité.

H. Roorda van Eysinga