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mique que souhaite le capitalisme occidental. Elles l’ont fermée. Elles ont voulu garder pour elles-mêmes le profit de cette invasion. Ce faisant, elles ont discrédité complètement les procédés commerciaux de l’Occident. Leur exterritorialité judiciaire qui les a amenées à s’enrichir frauduleusement, a fait naître cette conviction populaire profonde qu’aucun occidental ne mérite confiance ; or, en Chine, la confiance dans la parole domine le commerce. Mais elles ont fait connaître aux Chinois, en partie, les moyens techniques de notre civilisation. Elles ont précipité ainsi le développement inévitable qui, un jour, fera de l’Europe le débouché de l’industrie chinoise. Seuls des commerçants pacifiques (comme les Russes dans le Nord) auraient pu faire œuvre utile : les commerçants, professionnels, auraient plus facilement résisté à la tentation de l’exterritorialité : et ils n’auraient pas eu assez d’influence sur leurs gouvernements pour se faire mettre à l’abri des rigueurs de la justice chinoise.

Il est faux que les missions aient relevé le niveau intellectuel en Chine. S’il y a des Chinois qui grâce à eux ont appris à lire et à écrire (le chinois ! bien entendu) c’était, il y a cinquante ans, les gens sans aveu qui ont fait la révolution des Taï-pings ; ce sont, à présent, dans un pays où l’instruction publique est dix fois mieux organisée que chez vous, des gens qui sortent on ne sait d’où, qui vont on ne sait où, et qui, comme quantité aussi bien que comme qualité sont négligeables.

Il est faux que les missions soient l’armée d’occupation pacifique. Ce sont elles, elles seules (en dehors de la ténébreuse conspiration russo-tibétaine qui sans elles n’aurait pas été possible) qui ont préparé l’invasion guerrière des hordes européennes. L’histoire le prouve.

Il est faux que les missions soient pour l’avenir les agents indispensables de l’influence occidentale — je veux dire quand le calme sera rétabli. Le contraire est vrai. Ce sont elles qui, aux yeux du peuple, ont fait naître les désastres de l’heure présente. Dans l’avenir ils incarnent le crime plus que jamais. Mais leur passé fût-il réellement irréprochable, l’état d’esprit du peuple devrait, dans l’intérêt même de l’Occident, amener les gouvernements non seulement à ne pas appuyer, mais à interdire, du moins pour quelque temps, les missions chinoises. Or, en présence des faits historiques qui font des missions le véritable obstacle au commerce pacifique entre l’Occident et la Chine, cette mesure est de toute première nécessité. Si elle n’est pas prise, les gouvernements protecteurs des missions se verront, et ce sont les Chinois qui le disent, d’ici peu forcés à se lancer dans de nouvelles entreprises militaires d’envergure colossale et qui les mettront, comme on l’affirme à Hsi-ngan, aux prises avec le nouveau protecteur officiel du bouddhisme tibétain : le Tsar. Celui qui laissera le protectorat des missions à un rival, sera sûr de l’emporter sur lui.

Il est faux que les missions doivent être maintenues dans l’intérêt de l’humanité pour ne pas abandonner les chrétiens chinois. Ces chrétiens, massacrés en nombre, non pour leur foi, mais pour avoir profité de l’in-