Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/434

Cette page n’a pas encore été corrigée

sorte, nous pourrions citer une série de lock-outs plus visibles, notamment dans les grèves qui ont éclaté dans ces dernières années, grèves que le public, la presse et l’opinion considèrent comme des grèves ouvrières et qui ne sont que des grèves patronales dissimulées, comme les grèves du Pas-de-Calais (août et septembre 1893), de Carmaux (1895), de la Grand’Combe (1897) et même de Montceau-les-Mines.

Si on en doute qu’on relise attentivement un grand journal parisien peu suspect. Parlant de la grève du Pas-de-Calais le Figaro du 9 septembre 1893 disait, textuellement :

« Les chômages ont augmenté dans des proportions désastreuses. Depuis longtemps, déjà, les mineurs ne travaillent plus que trois ou quatre jours par semaine. Le stock est tellement important que les charbons sont tombés à un prix dérisoire. La Compagnie de Narles notamment a passé des marchés avec la Compagnie des Chemins de fer du Nord à 7 francs la tonne. On comprend qu’en présence d’une semblable dépréciation, les Compagnies ne puissent élever les salaires. Celles de Lens et de Courrières en sont réduites à faire des prix plus bas encore, et néanmoins les demandes n’affluent pas… Il y a eu une telle surabondance de produits qu’on n’arrive pas à épuiser les stocks. En présence de cette situation, certaines Compagnies ont réduit les salaires, les autres ont diminué le nombre des journées de travail. Le résultat est à peu près le même dans l’un et l’autre cas pour les malheureux mineurs. Cependant ceux des mines de Narles et de Burcy se plaignent moins. Employés à la tâche ils donnent pendant leurs 3 ou 4 jours de travail (par semaine) une production maxima qui augmente le rendement. Les patrons ne s’en trouvent guère mieux, et, tout bien considéré ils auraient peut-être intérêt à ce que les grèves se généralisent. C’est un point de vue dont il y a lieu de tenir compte ».

Bien instructive, aussi, la fameuse grève de Carmaux.

Elle fut imposée par M. Rességuier à son personnel, à cause d’un stock formidable de bouteilles (six millions) entassées dans les magasins. On a calculé que ces six millions de pièces pouvaient permettre à M. Rességuier de supporter avantageusement quatre mois de grève, en écoulant 14 à 1 500 000 bouteilles par mois. Cela permettait, en outre, d’abaisser les salaires, ce que M. Rességuier cherchait depuis longtemps. Ces faits sont de notoriété publique, ils ressortent des lettres échangées entre le Syndicat des verriers et le directeur de la verrerie. M. Rességuier avait déjà fait un essai de grève patronale, au mois de mai 1895 en supprimant « la casse des rebuts » ; mais les ouvriers surent éviter le piège qui leur était tendu. Pour s’en convaincre il suffit de lire la lettre adressée par le Syndicat au journal la Dépêche :

« Il faut que M. Rességuier nous suppose bien naïfs pour chercher à nous convaincre qu’il découle une élévation de salaires, de sa proposition (il s’agissait de créer une nouvelle catégorie de rebuts dits rebuts revendables que l’on ne casserait plus et pour lesquels l’ouvrier ne toucherait plus que 50 % du prix de fabrication). Mais admettons pour un instant que nous soyons dans l’erreur. Notre devoir est tout tracé. Notre patron ne veut que notre intérêt ; nous devons avoir à cœur de lui montrer combien nous sommes