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vrages élémentaires : les Trois maîtres des classes, les Mille mots des classes et l’Encouragement à l’étude. Ce sont des livres versifiés et rythmés et vous pourrez croire, dès lors, qu’il est facile de les apprendre par cœur.

Eh ! bien, pas du tout, c’est très difficile. Comme le chinois n’a pas d’alphabet, chaque mot doit être appris isolément. D’abord, ce qu’on exigeait de moi, c’est que j’apprisse le nom du caractère et qu’ensuite je le reconnusse.

J’apprenais à écrire en copiant la forme écrite par le maître, le modèle demeurant placé sous le papier mince sur lequel la copie devait être faite. Mon travail, c’était de calquer exactement tous les traits qu’avait tracés le maître. C’est une besogne vraiment ennuyeuse.

Au bout d’un an, j’avais terminé les trois livres élémentaires sans savoir ce que j’étudiais. La langue parlée de la Chine a pris les devants sur la langue écrite, c’est-à-dire que nous ne parlons plus depuis longtemps comme nous écrivons. Il y a la même différence qu’entre l’anglais d’aujourd’hui et celui du temps de Chaucer.

Alors je pris le Grand enseignement, écrit par un disciple de Confucius. Puis la Doctrine du milieu, du petit-fils de Confucius. Parfois ces textes sont difficiles à comprendre, même pour des gens d’âge, car ce sont des traités sur la morale et la philosophie. J’arrivai ensuite à la Vie et aux Dires de Confucius, puis vinrent la Vie et les dires de Mencius, et les cinq Kings, les cinq classiques, c’est-à-dire l’histoire, la divination, l’étiquette universelle, les odes et le printemps et l’automne, « une brève et abstraite chronique des temps », par Confucius[1].

Il me fallait apprendre toutes mes leçons par cœur, afin de pouvoir les réciter le lendemain.

La lecture commençait à droite des pages et se suivait de haut en bas, puis on allait à la ligne suivante en commençant du haut de la page et ainsi de suite. D’autre part, nous lisions en partant de ce qui est pour vous la fin du livre.

Toute étude doit être faite à haute voix. Plus haut vous parlez, plus haut vous criez, plus vous êtes estimé comme élève. C’est la seule façon qu’aient les maîtres chinois de s’assurer que leurs élèves ne pensent pas à autre chose et ne jouent pas sous les pupitres.

Maintenant, permettez-moi de vous introduire dans l’école où j’ai lutté avec la langue écrite chinoise pendant trois ans. Ah ! les terribles caractères qui se refusaient à me livrer leur signification ! Cependant, petit à petit, j’appris à dessiner et à reconnaître leur forme en même temps que leur nom.

  1. On donne généralement ce nom « les cinq Kings » (les cinq classiques) aux ouvrages suivants : le Yik-King ou le Livre des Changements, le Shoo-King ou Livre du gouvernement, le She-King ou Livre des odes, le Choan-King ou Livre des rites et le Hiaou-King ou Livre de la piété filiale.

    Souvent on ajoute un sixième King, c’est Le Printemps et l’Automne de Koung-Fou-Tsen (Confucius).