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sur le torturé, coupèrent ses liens ; en plusieurs endroits, les cordes étaient entrées dans les chairs. Tous les camisards étaient devant la tente, Jonglas eut peur pour sa peau et atermoya.

Les fusiliers, très surexcités par l’épouvantable supplice infligé à leur camarade, se révoltèrent ; n’écoutant ni les menaces ni les objurgations du sergent, vingt-deux hommes partirent dans la nuit avec armes et bagages, porter plainte au capitaine Baronnier à Biskra.

Jonglas avertit alors tous les douars de la région ; les tribus arabes se mirent à la poursuite des fugitifs qui furent capturés après deux jours de marche dans le désert, sans eau ni vivres. Une escorte d’indigènes armés sous la conduite d’un cheik les conduisit à Biskra.

Baronnier réalisa ainsi l’espoir de justice sur lequel avaient tablé les disciplinaires.

Quatre furent envoyés aux cocos. Le reste passa aux pionniers. Le disciplinaire supplicié fut seul traduit devant un Conseil de guerre pour coups et blessures exercés sur un indigène et menaces envers un supérieur.

Cette accusation fut appuyée par de faux témoignages. Mahmoud reçut de l’argent pour affirmer avoir reçu un coup de poing ayant déterminé l’effusion du sang.

Il suborna deux tantes, le cuisinier et l’ordonnance de Jonglas.

Sur la promesse d’une sortie de faveur, ils accusèrent le disciplinaire d’avoir menacé le sergent, et la victime de ces odieuses machinations, le supplicié d’El-Berd fut condamné à cinq ans de Travaux publics.

L’Arabe Mahmoud, qui habite les ksours de Tamerna, avoua à un fusilier que sa déposition lui avait été dictée par le capitaine et qu’il en avait reçu de l’argent. Ce fusilier est libéré maintenant, il est boulanger à Pont-sur-Yonne.

G. Dubois-Desaulle