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affranchis (sauf Polybe, le lecteur, qu’elle avait fait périr à la suite d’une brouille amoureuse) : Calliste, qui prétendait avoir sauvé Claude du poison sous Caius, Narcisse, Evodus, Pallas, descendant des rois d’Arcadie, noble esclave, intendant de César ; et le médecin Vectius Valens — l’impératrice et les affranchis se mirent à vendre « comme des cabaretiers », dit Dion, le droit de cité même aux Bretons, et tous les privilèges vendables, de sorte qu’en peu de temps, mais pas plus vite que ne palpitait son cœur, Messaline sentit se gonfler la bourse en pierreries qu’elle agrafait avec ostentation sur son sein gauche.

Cependant Claude, ministre inconscient de ses affranchis, envoyant au supplice, au fur et à mesure, ceux qui, lui semblait-il, usurpaient le titre de citoyen, et Messaline et Pallas revendaient ce titre, sitôt vacant, au plus offrant.

Messaline se procurait beaucoup d’or, car son expérience distinguait l’amant riche, personnage consulaire et notoirement intègre à ce signe, qu’il fallait l’acheter noblement cher.

Or Silius était non seulement personnage consulaire, plein d’honneur et de biens, mais, récemment marié, faisait parade d’un grand amour pour sa jeune femme Junia.

En conséquence, furent portés en oblation au nouveau dieu des présents nombreux, et, après que l’or fut épuisé en présents, toutes les richesses successives des Néron et des Drusus, entassées au palais des Césars, et jusqu’à l’échiquier de Pompée, sous l’œil bovin de Claude dont la fixité ne voyait plus, faite agitation éperdue par le tremblement, qui s’accentuait, de sa face ; les esclaves mêmes de l’empereur, dont il n’y avait aucun qui ne s’appelât Christ ou Chrest, à titre de certificat de leur excellence ; et la seule d’or des statues de Mnester.

Le jour où le dernier trésor (réserve faite du lit impérial), qui était le panneau de perles, portrait de Messaline, descendit du Palatin sur ce qui restait d’épaules d’esclaves femmes, alors seulement derrière la dernière esclave, l’impératrice s’offrit à Caius Silius.

Silius la trouva impériale et belle, et surtout il se souvint de la mort d’Appius Silanus, beau-père de Messaline, lequel eut la tête tranchée pour conspiration, car n’était-ce pas conspirer que se refuser aux désirs de l’Auguste ? et de la mort par le poison de Vicinius Quartinus, consul, et de beaucoup de morts.