Page:La Revue blanche, t22, 1900.djvu/446

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
440
la revue blanche



à un mur blanchi à la chaux, aveuglé par la réverbération, on le fait manœuvrer en décomposant, — un mouvement toutes les deux, trois, quelquefois cinq minutes.

Au peloton de chasse, le soldat qui s’arrête passe au conseil. Au peloton immobile, c’est pour un faux mouvement.

Il est naturel que les bagneux cherchent à couper au bal. Pour cela il n’ont pas à compter sur la justice du major : aussi essaient-ils de tromper la science des toubibs par le maquillage.

Le maquillage est connu dans l’armée de France, mais il n’y est pas aussi répandu que chez les disciplinaires et les joyeux ; où il sévit avec rage, c’est parmi les bagneux. Le maquillage n’est pas tout à fait la simulation : du moins, en langage soldatesque, simulation se dit plutôt de l’action d’imiter une maladie, une affection interne ; tandis que le maquillage consiste en une plaie artificiellement produite, en une mutilation qui aura l’air de provenir d’un accident. Parmi les pratiques auxquelles recourra le bagneux, citons : les piqûres de feuilles de palmier, de scorpion ou de diverses araignées plus ou moins venimeuses ; les sétons faits avec des brins d’alfa, des cheveux, des crins, du garou ou du sainbois ; les écorchures enduites de poussière, de gratture de murs ou de tartre de dents ; les enflures, œdèmes, phlegmons, industrieusement provoqués, etc., etc.

Pour sortir de cellule après un séjour de plusieurs mois, un disciplinaire de la troisième compagnie, nommé T… (il est encore au service actuellement), n’a eu d’autres ressources que de mettre sa main sur le bord de son bas-flanc en ciment et de se faire sauter deux doigts avec le couvercle de fonte de sa tinette.


PRISON AGGRAVÉE

La prison aggravée, consistant dans la réduction au pain et à l’eau durant trois jours par semaine, fut établie en 1851 et fut supprimée en 1890.


CELLULE SIMPLE

Comme régime général, la cellule simple est la même que dans l’armée régulière : une soupe par jour, avec viande une fois sur deux.

Cependant, étant en détachement de route, à la première discipline, nous avons vu le lieutenant Challaux punir des hommes de cellule et ne leur faire distribuer qu’une demi-gamelle de bouillon.

Dans un camp baraqué, la cellule suit le régime de la régulière ; dans un campement, le puni de cellule loge sous ce qu’on appelle le tombeau ou le guignol, c’est-à-dire la toile de tente pliée en deux en forme de prisme triangulaire. Le puni couche alors à même la terre, gèle la nuit, cuit le jour, ne peut bouger ; le moindre mouvement pouvant démolir la tente et étant formellement défendu.

La punition de la cellule simple est infligée aussi bien en route