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Valérius approuva la struction de poutres rondes, aussi rouges de laque déjà que d’un feu, mais ordonna le transfert du bûcher ailleurs, de peur que l’épaisseur des voûtes de verdure ne fût diminuée par l’air embrasé.

Il laissa à ses intendants le souci de découvrir, ainsi qu’il devait être facile, dans le prodigieux parc dont il n’avait jamais exploré tous les détours, un espace sans arbres.

Et sa recommandation finale et très calme fut qu’aussitôt son corps aux soins de la flamme, esclaves et femmes l’abandonnassent sans plus troubler le repos des bois, et que le dernier qui ferait désert le parc emportât le testament indéchiffrable, sauf à ses proches d’adoption, et son seul explicite codicille, la clé de la porte des jardins, qu’il offrirait à l’impératrice.

Alors, sur son lit de sieste, il enfonça obliquement le rasoir dans le côté de son cou et commença, soulevé sur son séant et la gorge raidie, de balancer de droite et de gauche la nudité de son crâne et la transparence de sa face qui laissait déjà voir au dedans la mort, imitant un ver qui monte pour filer. Et la soie ténue du sang de l’artère, par ce mouvement de navette, tissa sur le corps subitement sénile et les coussins blancs comme une barbe son linceul de pourpre.

Puis le corps, enseveli d’amiante, fut transporté dans l’espace sans arbres — sans autres arbres que les troncs morts du bûcher de santal dont les dryades exotiques avaient précédé leur maître aux enfers jaunes. La flamme ferma tous ses doigts sur le cadavre voilé, qui parut un œuf d’or, ainsi que le cocon se fonce jusqu’à ce que son hôte, à bout de fil, s’endorme momie dans la salle la plus reculée, où il se sait arrivé, de son labyrinthe. Puis elle s’ouvrit et s’épanouit haute et somptueuse comme le souffle exhalé, le souffle inhalé, le souffle dispersé, le souffle élevé et le souffle réuni de tous les arbres, de tous les livres, de toutes les statues et des gemmes et des étoffes, et se leva comme tout l’Orient capté sous le crâne jaune et le ventre gonflé de l’Asiatique.

Et son envergure apparut clairement celle du Phénix, qui est un oiseau véritable puisqu’on l’a pu voir en Égypte (le dernier oiseau phénix était né sous Tibère), et une allégorie de la renaissance des arts selon des cycles astronomiques, puisque les savants supputent les périodes où il se brûle et ressuscite. Les