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bouche était, tout entière, barbouillée d’une sorte de bave savonneuse…

Enfin, il emporta mes bottines et, durant deux heures, il s’enferma, avec elles, dans sa chambre…

Quatre jours après, le matin, à l’heure habituelle, en allant ouvrir les fenêtres, je faillis m’évanouir d’horreur dans la chambre. Monsieur était mort !… Étendu sur le dos, au milieu du lit, le corps presque entièrement nu, on sentait déjà en lui et sur lui la rigidité du cadavre. Il ne s’était point débattu. Sur les couvertures nul désordre ; sur le drap, pas la moindre trace de lutte, de soubresaut, d’agonie, de mains crispées qui cherchent à étrangler la Mort !… Et j’aurais cru qu’il dormait, si son visage n’eût été violet, violet affreusement, de ce violet sinistre qu’ont les aubergines… Spectacle terrifiant, qui, plus encore que ce visage, me secoua d’épouvante !… Monsieur tenait serrée dans ses dents une de mes bottines, si durement serrée dans ses dents, qu’après d’inutiles et horribles efforts, je fus obligée d’en couper le cuir, avec un rasoir, pour la leur arracher !…

Je ne suis pas une sainte… j’ai connu bien des hommes, et je sais, par expérience, toutes les folies, toutes les saletés dont ils sont capables ! Mais un homme comme Monsieur !… Ah ! vrai !… Est-ce rigolo, tout de même qu’il existe des types comme ça !… Et où vont-ils chercher toutes leurs imaginations, quand c’est si simple, quand c’est si bon de s’aimer gentiment… comme tout le monde !…


Je crois bien qu’ici, il ne m’arrivera rien de pareil… C’est, évidemment, un autre genre ici !… Mais est-il meilleur ?… Est-il pire ?… Je n’en sais rien !…

Il y a une chose qui me tourmente. J’aurais dû, peut-être, en finir une bonne fois, avec toutes ces sales places et sauter le pas, carrément, de la domesticité dans la galanterie — ainsi que tant d’autres que j’ai connues et qui — soit dit sans orgueil — étaient « moins avantageuses » que moi. Si je ne suis pas ce qu’on appelle jolie, je suis mieux ; sans fatuité, je puis dire que j’ai du montant et un chic que bien des femmes du monde et bien des cocottes m’ont souvent envié. Un peu grande, peut-être, mais souple, mince et bien faite… de très beaux cheveux blonds, de très beaux yeux bleu foncé, excitants et polissons, une bouche audacieuse… enfin une manière d’être originale et un tour d’esprit, très vif et langoureux, à la fois, qui plaît aux hommes. J’aurais pu réussir… Mais, outre que j’ai manqué, par ma faute, des occasions « épatantes », et qui ne se retrouveront probablement plus, j’ai eu peur… J’ai eu peur, car on ne sait pas où cela vous mène… J’ai frôlé tant de misères, dans cet ordre-là… j’ai reçu tant de navrantes confidences !… Et ces tragiques calvaires du Dépôt à l’hôpital auxquels on n’échappe pas toujours !… Et pour fond de tableau, l’enfer de Saint-Lazare !… Ça donne à réfléchir et à frissonner !… Qui me dit aussi que j’aurais eu, comme femme, le même succès que