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LES ROMANS

Remy de Gourmont : Le Songe d’une Femme (Mercure de France). — Jules Case : Les Sept Visages (Ollendorf). — Paul Lévy : Fleurs d’oppression (Bibl. de la Critique). — Marcel Rouff : Les Pèlerins (Ollendorf). — Mécislas Golberg : Vers l’Amour (Albert Wolff).

J’ai lu avec un extrême plaisir le roman de M. Remy de Gourmont, le Songe d’une Femme, et je me persuade, par cet exemple nouveau, que le plus sûr résultat d’une bonne culture symboliste est l’art d’écrire d’adroits romans libertins. Celui de M. Remy de Gourmont se distingue, il est vrai, par des mérites tout particuliers en ce genre, qui sont l’agrément du récit, la nouveauté de quelques personnages, et une réelle aptitude à donner comme un aspect métaphysique au chassé-croisé des situations. Il se distingue surtout par le charme du style qui est précis, frais et facile sans aucune mollesse. Le roman de M. Remy de Gourmont, si différent par le plan et par les intentions, n’est certes pas inférieur, par l’agrément, à un bon roman du xviiie siècle.

Quant à moi, je l’ouvrais, il faut bien l’avouer, avec quelque méfiance, et je l’ai lu d’une traite, jusqu’au bout. Je lui dois une après-midi charmante, ce qui devient rare dans le métier. J’en fais bien des remerciements à M. Remy de Gourmont ; qu’il les accepte.

Je dois aussi des remerciements à M. Jules Case, car j’ai lu avec un grand intérêt une nouvelle qu’il a publiée voici quelques mois déjà, les Sept Visages. La forme en est quelquefois faible ou négligée, et le ton n’en est pas toujours agréable. Mais je goûte, chez M. Jules Case, une curiosité psychologique qui parvient souvent à une très belle intensité d’émotion ou d’intelligence. Deux ou trois chapitres des Sept Visages me paraissent tout à fait excellents en ce genre. Je vais jusqu’à croire que Dostoiewsky les aurait aimés.

Les quelques nouvelles que M. Paul Lévy a réunies sous un titre un peu singulier, Fleurs d’oppression (avec une préface de M. Ernest La Jeunesse), sont assurément son début dans les lettres. C’est, en somme, un début heureux. Il y a, dans ces cent pages, une extraordinaire jeunesse, mais une jeunesse ardente, vigoureuse, où l’on sent du frémissement et de la puissance. Elles m’ont reporté à un temps que nous avons tous connu, celui où, avec un grand appétit de vivre, les raisons de vivre nous échappent. Quand on en est digne, on découvre toujours ces raisons-là, et M. Paul Lévy les trouvera un jour, comme les autres. Mais, en attendant, son livre plaira, parce qu’il évoque, avec une précision pleine de fièvre, des émotions dont notre mémoire se souvient.

Je signale enfin les Pèlerins, roman considérable de M. Marcel Rouff, et qui mériterait une étude plus minutieuse, roman d’un romantisme échevelé, tout inspiré de Byron, de Gautier et d’Henri Heine, avec de la flamme et de la vigueur, mais aussi avec beaucoup de facilité encore un peu puérile ; — et Vers l’Amour de Mécislas Gol-