Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Citons-en quelques-uns, parmi ceux qu’a réunis M. Macovitzky dans un article du premier numéro des Feuilles de la parole libre :

1. — Iotsha Radovanoff, un Serbe de Wetsba, fut affecté, en octobre 1892, à un régiment stationné à Pest ; quand on lui remit les armes, il déclara que sa religion lui interdisait de les accepter. On l’enferma pour six heures, puis pour quatre jours, et enfin pour trois mois, après quoi le conseil de guerre le condamna à deux ans de détention.

2. — Le frère aîné du susdit nazaréen est, depuis quinze ans déjà, en prison pour pareil motif.

3. — Ioure Dovala, un Slovaque, qui appartenait au même régiment que Radovanoff, avait subi un emprisonnement de six ans pour vol ; il avait eu pour co-détenu un soldat nazaréen qui le convertit à sa religion. Sa peine expirée, il fut incorporé. Comme au commandement d’« En joue ! » il restait immobile, son capitaine lui infligea une sévère punition ; mais Dovala, aux exercices suivants, n’obtempéra pas mieux aux commandements, et déclara au capitaine qu’on pouvait faire de lui tout ce qu’on voudrait, qu’il ne se servirait pas d’un fusil ne voulant pas enfreindre sa foi. Le conseil de guerre de Neiguebed le condamna à deux ans de prison. Ces deux années écoulées, de nouveau il refusa d’obéir : et de nouveau le conseil de guerre le condamna, cette fois, à quatre ans de détention, qu’il dut subir dans la forteresse de Kamargnan. Il y resta jusqu’en mai 1894. De retour sous les drapeaux, il refusa encore de manier les armes : depuis lors il est en prison.

4. — Sava Nitchetiff, un Serbe d’Addi, est sous les verrous depuis huit ans. Il fut d’abord roué de coups, puis on lui ficela un fusil sur le corps et on l’enferma dans un cachot où il ne pouvait se tenir que couché ; il fut ensuite condamné à un an de prison, peine qui fut portée à deux et enfin à douze ans.

5 et 6. — À la fin d’octobre 1894, parmi les conscrits venus à Orogegratz pour prêter serment, se trouvaient deux Hongrois, Jean Guendetch et Joseph Denech, qui déclarèrent être nazaréens et ne pouvoir prêter serment. Tous deux furent condamnés à une longue détention.

7 et 8. — À la fin d’août 1895, les réservistes du régiment de Szegedin reçurent l’ordre de se rendre aux manœuvres. Deux d’entre eux, quand on distribua les fusils, les refusèrent, alléguant la religion nazaréenne. Dans le dessein de les réduire, le capitaine Œtshvary les informa que, Dieu aimant beaucoup les Hongrois, les Hongrois dorénavant n’iraient plus à la guerre, mais seulement aux manœuvres, où le sang ne coule pas. « Si l’on nous mène aux manœuvres, répondirent les nazaréens, c’est pour apprendre à tuer des hommes. » Le capitaine leur rappela alors que, l’automne précédent, un nazaréen, pour avoir refusé d’obéir, avait été puni plusieurs fois, puis condamné à une détention de dix-sept ans dans une enceinte fortifiée. « Qu’importe ? répondirent les nazaréens. Qu’on nous fusille ! » Quelques soldats allèrent prévenir les familles de ces nazaréens ; les femmes vinrent, pleurantes, les supplièrent d’obéir aux autorités : ils refusèrent. Le capitaine leur infligea d’abord dix jours d’arrêts forcés. Quand on les emmena : « Adieu, dirent-ils, on nous ensevelit vivants pour Dieu et pour la sainte innocence, car l’homme doit être la brebis sans tache de Dieu. » On leur lia sur le corps un fusil et un sabre, mais ils persistèrent dans leur refus. Peu après, ils étaient traduits devant le conseil de guerre et condamnés.

9. — Un Slovaque de Toronthal, appelé en septembre 1894 comme réserviste, sachant ce qui l’attendait au régiment, vendit ses terres et ses chevaux et, laissant sa femme et ses quatre enfants, partit se sacrifier, déclara-t-il, à la cause de Dieu.