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Page 104. — Et les parenthèses de Jaurès étaient traitées comme celles du président de la République. Écoutez le général Mercier : « Le gouvernement était attaqué en particulier par M. Jaurès. »

(M. Jaurès se lève pour protester et fait de vives dénégations.)

Ces vives dénégations n’ont pas survécu à l’audience, enterrées par le général Mercier qui n’en souffle mot dans la brochure.

Page 115. — Dans une lettre au général Mercier du général Vauson, lue à l’audience, il y a : « Le capitaine Dreyfus, entre autres, critiquait… »

Dans la brochure, c’est : « Le capitaine Dreyfus critiquait… »

Le général Mercier a déchargé la sténographie des mots « entre autres », pour charger le capitaine Dreyfus !

Page 116. — Toujours ce souci de l’exactitude, de l’heure militaire. Devant les membres du Conseil de guerre, le général Mercier rapporte : « Le témoignage du commandant Cuignet, qui témoignera devant vous que le capitaine Dreyfus est venu lui demander de lui faire une conférence qui a duré jusqu’à trois heures et demie… »

Dans la brochure, on trouve : «… Une conférence qui a duré trois heures à trois heures et demie ! »

Page 116. — Suivant qu’il a besoin ou peut se passer des gens, le général Mercier allonge et abrège les épithètes. À l’audience, où il fallait amadouer le commandant Ducros, témoin adverse, le général Mercier avait proféré ces louanges à son adresse : « …J’avais laissé de côté le canon du commandant Ducros, quoiqu’il réalisât un progrès très sérieux… »

Dans la brochure, où il n’était pas à supposer que le commandant Ducros irait chercher des éloges — et puis le témoin aurait déposé quand elle paraîtrait — les épithètes aimables ont disparu, le très sérieux qui s’était échappé des lèvres du général Mercier n’est pas tombé de sa plume.

Page 121. — Encore un petit tour de passe-passe — du doute à la certitude — de la sténographie sincère au compte-rendu revisé. Quand le général Mercier parle, c’est : « Mais, à mon avis, ce n’est pas la note qui a dû être envoyée. »

Dans la brochure, quand le général Mercier écrit, c’est : « Mais, à mon avis, ce n’est pas la note qui a été envoyée. »

Page 143. — Le mensonge, la perfidie, le faux se jouent entre les deux textes, entre l’oral et l’écrit du général Mercier.

Il devait terminer par la lâcheté. Sur la fin de son témoignage réquisitoire, le général Mercier proclamait : « Si le moindre doute avait effleuré mon esprit, messieurs, je serais le premier à vous le déclarer et à dire devant vous au capitaine Dreyfus : Je me suis trompé de bonne foi… »