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On revient.

Au travail ! Dépêche ! Rattrape le temps perdu, réapprends le travail. Et dépêche-toi d’en réclamer ta part, car il fait prime.

Les premiers arrivés seulement en auront.

Rentre dans la vie. La vie où l’on frappe du fer avec un marteau.

Le service, c’est déjà de l’oubli, c’est-à-dire de la joie, la seule que tu auras : joie de la souffrance passée.

Sois fier : on a été le rempart de la patrie. Tas de pierre qui se couvre de mousse, où l’on pourrait planter, si l’on démolissait…

Maintenant, la faim commande. C’est toujours un peu moins féroce qu’un soldat ; mais elle commande tout de même, et des choses plus dures.

Prends une femme, crée des enfants. Tu auras quelques mois d’amour et la soupe cuite pendant toute une vie de misère.

Accepte donc cette vie que tous acceptent, gaîment.

Puisque la Révolution ne s’est pas faite sans toi !

Elle t’a attendu. Elle t’attendra encore le temps que tu tâtes des joies que cette société-ci ne vous donne pas, mais vous vend.

Ne te presse pas, tu as le temps. On est gai à Paris. Ceux qui meurent de faim n’y font pas tant de bruit que ceux qui crèvent d’orgie. Il y règne ce qu’on appelle l’atmosphère de plaisirs. Tu peux la respirer. On aura une exposition. Mais le Parisien batailleur ? Justement ! Tous les dimanches, il y a des courses. Quand il y a des courses, elle peut courir, la Révolution sociale.

Oh ! de quel long sommeil… Ah ! oui ! le régiment !

Je me rappelle ! — Vie passable, ablation de cerveau. On faisait des petits paquets ; on avait peur…

Peur de quoi ? Que les enfants aient faim ? Non, des bêtises. Les boutons ne brillaient pas, et le fusil se rouillait, comme nous, à ne rien faire. Alors on avait peur… Que les petites joues pâlissent ? Non ! les boutons… et l’on n’avait qu’à frotter dessus. Une brute qui commande, — une petite bouche qui demande… Qu’on était libre ! C’est beau, c’est heureux, du soldat !

Grande école ! — la grande école républicaine, pour tous, nous et demain, races qui viendront, années d’études, — pour la Caserne sociale de la Société prochaine, fille des révolutions et des rêves libertaires, la Société future, — qui de loin semble libre…

La grande école — d’abaissement — qui nous prépare.

Maintenant, va travailler.

Travailler Ah ! oui je me rappelle aussi. Travailler… Oui la vie d’avant que je fusse soldat. Oh ! de quel long sommeil… — Plus las que quand je m’endormis, je m’éveille…

Va travailler.. ! Va travailler.

Frapper du fer avec un marteau, tout le jour, et le suivant ; celui d’après encore… Mais la caserne n’avait demandé que trois ans ! La classe ! la classe ! pour toute la vie stupide des hommes. Pour